Capes de documentation / Mémoire professionnel - L'image des filles et des garçons dans Harry Potter

Selon Hélène Montardre [MONTARDRE 1999], aujourd'hui auteur et directrice de collection chez Milan, il y eut dans les années 70 un important clivage filles/garçons dans la littérature jeunesse, puis autour des années 80 cette tendance s'est atténuée pour tendre vers l'universalisme. Le roman était désormais fait pour les deux sexes. C'est à cette époque qu'on vit apparaître dans les romans pour enfants des héroïnes fortes et courageuses, éléments de caractère généralement attribués aux garçons. Mais aujourd'hui la tendance se serait inversée, selon elle, et la littérature serait revenue à ce qu'elle fût avant même les années 70. Et contrairement aux héros et héroïnes de certaines collections récentes qui s'adressent soit aux garçons soit aux filles, Harry Potter plait autant aux uns qu'aux autres. Harry quoique courageux, a peur, doute, pleure, chute, enrage et Hermione sa meilleure amie est brillante, courageuse, engagée. Les trois personnages préférés des élèves qui ont répondu au questionnaire3 sont Harry (45.16% des garçons contre 43.75% des filles), Hermione (38.71% des garçons contre 47.92% des filles) et Ron (35.48% des garçons contre 37.50% des filles). Hermione dépasse dans le coeur des garçons Ron et n'est pas loin derrière Harry. Cela signifie que les garçons réussissent à s'identifier à cette héroïne, ce qui n'est pas forcément le cas dans d'autres livres. Toutefois hormis Hermione et Ginny, de manière anecdotique, les garçons n'ont choisi comme personnages préférés que des garçons. Les filles, elles, ont été plus variées dans leurs choix. Voyons quelle mesure Harry Potter renouvelle l'approche des stéréotypes de la littérature jeunesse à travers l'image des filles et des garçons qu'il propose.

Plusieurs personnages ont leur " avatar " du sexe opposé, aussi fort que lui, aussi courageux ou aussi diabolique. Dans la religion hindoue les avatars sont les multiples incarnations du dieu Vishnou. Dans cette étude les " avatars " sont les multiples " alter ego " qu'ont les personnages, du point de vue du caractère et de la force physique.

Harry et Hermione sont, depuis le premier tome, les meilleurs amis. Ils peuvent compter l'un sur l'autre et partagent de nombreux secrets, mais cela n'a pas toujours coulé de source. Dès qu'ils font sa connaissance dans le Poudlard Express, Harry et Ron prennent Hermione en grippe car ils la trouvent prétentieuse et donneuse de leçons. Pour se faire accepter de ses deux acolytes, elle doit donc faire ses preuves. L'occasion lui en est donnée dans le premier tome [ROWLING 1998] quand elle fait semblant d'avoir enfreint le règlement pour que Harry et Ron ne soient pas punis. Après des débuts quelque peu difficiles, la relation d'Hermione et Harry évolue vers une réelle et belle amitié, puis vers un véritable partenariat à partir du troisième tome [ROWLING 1999]. Ils sont à égalité dans le rôle de meneur. Harry reste le héros mais Hermione remplit de plus en plus le rôle d'héroïne. L'érudition et l'intelligence de celle-ci sont précieuses à Harry, l'aident à résoudre de nombreuses énigmes et à progresser dans différentes missions. J. K. Rowling fait travailler Harry et Hermione en tandem à tous les moments clés du livre. Au fil des tomes ils forment une équipe d'alter ego. Ils se font entièrement confiance. Harry Potter reste le héros de la saga qui porte son nom mais plus l'histoire approche du dénouement, plus Hermione quitte son rôle de personnage secondaire pour devenir l' " avatar " féminin de Harry. L'image féminine dans Harry Potter est vraiment modernisée, dynamisée et revalorisée. On peut se demander si sans son amie, Harry aurait été le héros qu'il est.

Albus Dumbledore, directeur de Poudlard est considéré comme l'un des plus grands sorciers des temps modernes. C'est un homme sage, humble et modeste qui fait confiance aux gens. Minerva Mac Gonagall est son " bras droit " et elle occupe de nombreuses fonctions à Poudlard, notamment celle de directrice de la Maison Gryffondor et celle de professeur de métamorphose. Elle cumule des responsabilités qui lui confèrent un important statut auprès des élèves comme auprès des professeurs. Plus accessible et plus disponible que Dumbledore, c'est vers elle que se tourne systématiquement Harry Potter en cas d'urgence. C'est en quelque sorte l' " avatar féminin " de Dumbledore. D'ailleurs dans le sixième tome [ROWLING 2005], lorsqu'il est assassiné par Rogue, c'est elle qui le remplace immédiatement à la tête de l'école des sorciers en cette période dramatique et chaotique. Elle est de toute évidence le successeur de Dumbledore, tant du point de vue du courage, de la puissance, que de l'intelligence. Notons également que le professeur Mac Gonagall est une Auror, c'est-à-dire qu'elle est une sorcière aux grands pouvoirs qui lutte contre les forces du mal. Ses compétences n'ont donc rien à envier à celles d'un homme.

Lord Voldemort et Bellatrix Lestrange sont les deux sorciers les plus diaboliques du livre. Tous deux sont adeptes de la magie noire et sont obsédés par la pureté du sang. Voldemort a un fantasme de toute-puissance et sème la terreur autour de lui. Ainsi même ses plus fidèles partisans, les Mangemorts, le craignent au point de ne pas oser prononcer son nom. Seul Harry Potter ose le nommer. Les autres se contentent de dire " Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom " ou " Vous-Savez-qui ". Bellatrix, elle, est une Mangemort. C'est elle, accompagnée de son mari et d'un autre Mangemort qui tente de tuer les Londubat, Aurors et membres de l'ordre du Phénix, grâce au sortilège " impardonnable ", le sortilège Doloris qui provoque des souffrances abominables. Ils en réchappent miraculeusement mais restent marqués à vie et deviennent fous. C'est également elle qui tue Sirius au Département des Mystères. Elle incarne le pendant féminin de Voldemort. Dans son regard brille une lueur fanatique, tout comme elle doit briller dans celle de Voldemort. Elle est décrite comme étant une belle femme au port altier, aux cheveux bruns, épais et brillants. Tout comme Tom Jedusor était très beau avant qu'il ne " vende son âme au diable " et devienne monstrueux et inhumain en se réincarnant en Voldemort. Ils ressemblent aux " amants diaboliques ", bien qu'elle ne soit pas mariée à lui mais à un autre Mangemort, Rodolphus Lestrange.

De nombreux autres exemples de duos jalonnent les romans et mériteraient que l'on s'y attarde dans une étude plus poussée : Harry Potter et Ginny Weasley, Harry Potter et Luna Lovegood, Rubeus Hagrid et Madame Maxime, Drago Malefoy et Patricia puis Nevill Londubat et Luna Lovegood.

A l'image d'Hermione, les personnages féminins sont sur le devant de la scène lors de chaque aventure. Un sondage IPSOS commandé par Gallimard, à l'occasion de la sortie du cinquième tome [ROWLING 2003] indique que Hermione Granger est le quatrième personnage fictif auquel les enfants filles et garçons ont envie de ressembler. A travers elle, l'auteure dépoussière l'archétype du bon élève. Comme l'écrit Isabelle Smadja [SMADJA 2001] :