Israël et son armée : société et stratégie à l'heure des ruptures

Publié par : Back2school

S’il est bien une armée qui suscite admiration, critiques, débat et polémiques dans nos sociétés surmédiatisées et notre monde en pleine recomposition géopolitique, c’est bien celle de l’État d’Israël. Il suffit de consulter les sites de dialogue sur Internet à l’occasion de chaque intervention de l’armée israélienne pour s’en convaincre. Il était donc utile et courageux de publier une étude consacrée à l’évolution sociologique de cette armée spécifique, mieux connue sous l’acronyme de Tsahal.


Consulter un extrait ci-dessous

Le moment paraît d'autant plus opportun que l'armée israélienne s'est retrouvée une fois de plus sous les feux de l'actualité lors de la récente guerre de Gaza contre le Hamas, déclenchant une avalanche de critiques, tant de la part de la communauté internationale que d'intellectuels israéliens engagés dans le processus de paix avec les Palestiniens.


Elle témoigne également de la lutte d'influence permanente entre l'institution militaire et la classe politique " civile " pour le contrôle effectif du pouvoir, depuis le quasi coup d'état du 31 mai 1967 au cours duquel plusieurs généraux ont marginalisé le Premier ministre en exercice, Lévi Eshkol, pour s'arroger collégialement le droit de déclencher une attaque préventive contre l?Egypte. La victoire éclatante de cette guerre de six jours a sanctifié a posteriori cette influence prépondérante des généraux sur la conduite de la politique sécuritaire d'Israël, et a assis la réputation d'efficacité de Tsahal. Il est intéressant de relire l'histoire de l'état juif et du conflit israélo-arabe, puis israélo-palestinien, à l'aune de cette nouvelle grille de lecture.


Du début des années 1970 jusqu'à la période actuelle, les généraux n'ont eu de cesse d'investir tous les partis politiques israéliens pour s'assurer d'une place prépondérante dans le processus décisionnel de leur pays. Leur postulat est simple : les militaires sont les plus à même de comprendre les enjeux stratégiques et d'assurer la défense des intérêts vitaux israéliens. Golda Meir tente bien de reprendre la main, mais elle est trop dépendante de ses conseillers qui sont tous d'anciens généraux, Moshé Dayan en tête. Elle se heurte surtout au drame de la guerre du Kippour qui entraîne son éviction de la scène politique. Ytzhak Rabin, l'ancien chef d'état-major artisan de la victoire de juin 1967, et Shimon Pérès, l'ancien homme de l'ombre reconverti dans la politique, s'entre-déchirent ensuite plusieurs années au sommet de l'état, alors même qu'ils sont du même bord idéologique. Le premier défend les intérêts de l'armée tandis que le second s'évertue à redonner du pouvoir à la classe politique traditionnelle. Menahem Begin les départage brusquement en acceptant la paix avec l'Egypte et en faisant pencher brièvement la balance en faveur de la classe politique, jusqu'à ce qu'Ariel Sharon s'impose comme son ministre de la défense, embourbe Israël dans une guerre catastrophique au Liban et brouille une nouvelle fois les cartes, tant sur le plan de la société que de l'armée, comme l'illustre avec beaucoup de talent le cinéaste Ari Folman dans son film remarquable, Valse avec Bachir. Shimon Pérès et Ytzhak Shamir redonnent ensuite l'avantage aux politiques, bien qu'ils appartiennent tous deux à des partis totalement opposés. En 1991, lors de la première guerre du Golfe,


Ytzhak Shamir, lui-même contraint par ses alliés américains, exerce ainsi des pressions phénoménales pour empêcher l'état-major de riposter aux tirs de missiles Scud irakiens contre le territoire israélien. L'année suivante, Ytzhak Rabin met un terme à la première Intifada et conclut les accords d'Oslo avec l'OLP, de même qu'un accord de paix avec la Jordanie. Il restaure au passage la primauté de l'institution militaire sur la classe politique israélienne, grâce à la notoriété de plusieurs généraux, dont Ehud Barak, qui passe pour le soldat le plus décoré de toute l'histoire de l'armée israélienne. Assassiné par un fanatique israélien national-religieux, il est remplacé par son vieux rival Shimon Pérès qui s'attache à rétablir l'équilibre entre institution militaire et classe politique. Benjamin Netanyahou lui succède rapidement à la faveur d'élections anticipées et accroît la pression sur les généraux, notamment en limitant les dépenses de l'armée, alors même qu'il se targue d'un pédigrée militaire irréprochable. Le chef de file de la droite conservatrice a, en effet, servi en tant que lieutenant dans la sayeret Mat'kal, l'unité d'élite la plus prestigieuse de l'armée, et son frère Jonathan est mort au champ d'honneur en commandant le raid sur Entebbe. Il n'en est pas moins décidé à restaurer le pouvoir de la sphère politique civile. Les généraux prennent leur revanche en 1999, lorsqu'Ehud Barak bat Netanyahou et devient Premier ministre. Cet ancien chef d'état-major a construit sa carrière militaire, puis son ascension politique, à l'ombre de son mentor Ytzhak Rabin. Il redonne une place de choix aux généraux, mais trébuche après le déclenchement de la seconde Intifada.


C'est le moment choisi par Ariel Sharon pour effectuer son grand retour sur la scène politique israélienne, après une longue traversée du désert. Les généraux exultent, pensant que le héros des guerres de 1967 et 1973 est là pour accroître leur pouvoir et leur influence. Ils se trompent lourdement, car Ariel Sharon a achevé sa mue politique et s'avère déterminé à remettre l'état-major au pas. Sa détermination est renforcée par les frustrations et les rancoeurs qu'il a accumulées lors de son passage à l'état-major général, au début des années 1970. Il tient donc en rênes ultra-courtes son ministre de la défense, Shaoul Mofaz, ancien chef d'état-major de Tsahal. Le balancier oscille une nouvelle fois en faveur de l'institution militaire après l'attaque cérébrale dont est victime Ariel Sharon en 2006.


A l'occasion du déclenchement de la guerre contre le Hezbollah, à l'été 2006, le général Dan Haloutz, un pilote ambitieux devenu chef d'état-major, en profite pour pousser son propre agenda : rétablir l'influence de l'institution militaire sur le processus décisionnel du pays et asseoir la primauté des aviateurs à la tête de l'état-major. On connaît la suite : l'échec patent de cette seconde guerre du Liban, la crise morale de la société israélienne vis-à-vis de l'institution militaire, la publication du rapport Winograd, la démission du général Haloutz et son remplacement par le général Gabi Ashkénazi, un fantassin-parachutiste. Ce dernier s'entend parfaitement avec Ehud Barak qui a depuis récupéré le maroquin de la défense et n'a pas hésité à intriguer pour le conserver sous la houlette du nouveau Premier ministre, Benjamin Netanyahou, qui fait lui aussi son grand retour sur la scène politique israélienne après dix années d'éclipse.


C'est cette question clé des relations armée-société et des rapports entre pouvoir politique et armée qu'analysent avec brio Alain Dieckhoff et Ilan Greilsammer. Le premier démontre la centralité de la guerre dans l'organisation institutionnelle et culturelle de la société israélienne, estimant que le principe même d'une nation en armes est à l'origine d'une militarisation de la société à travers la diffusion généralisée d'un mode de pensée sécuritaire où la guerre est tenue pour une réponse normale à des problèmes politiques.



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Date :

07/09/2011


Langue :

Français


Pages :

222


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5352


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Editeur : IRSEM


Tags : IRSEM, armée, Israël
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