Du network-centric à la stabilisation : Emergence des nouveaux concepts et innovation militaire

Depuis la fin de la guerre froide et la disparition de l'adversaire communiste, les forces armées occidentales font face à un contexte stratégique et opérationnel fluctuant et à bien des égards novateur : absence d'une menace structurante contre les intérêts vitaux de nos pays, interventions en tiers pour séparer des belligérants ou contre des adversaires irréguliers, engagements systématiquement multinationaux, problématique omniprésente de la coordination et de la coopération avec les institutions civiles tant gouvernementales que non gouvernementales, réduction des crédits et concomitamment des volumes de force, technicisation toujours plus poussée, etc.

Dans ce contexte, il est intéressant d'observer en quelle mesure et comment nos armées ont évolué, éventuellement innové pour s'adapter à ce contexte. Cette problématique de l'innovation au sein des armées a été couverte par de nombreux travaux, car nos institutions militaires sont objectivement parmi les plus lourdes que nos États aient à gérer et sont réputées comme étant par essence très conservatrices. Cependant, ces travaux, menés le plus souvent par des chercheurs américains, sont généralement de nature historique, portant sur l'émergence de nouvelles doctrines et capacités dans nos armées du XXe siècle. Par ailleurs, si le débat stratégique regorge d'études et de publications sur toutes les facettes de la problématique de fond des innovations actuelles, peu de travaux sont consacrés à une analyse des mécanismes institutionnels qui la sous-tendent ou l'expliquent.

Il existe de multiples manières d'étudier un phénomène complexe comme celui de l'innovation : les décisions des responsables, les moyens affectés, les activités exécutées, les performances enregistrées, etc. L'approche fixée par l'Institut de recherche de l'École militaire est de mesurer cette innovation, à tout le moins cette évolution, de nos appareils de défense par le biais des concepts qui permettent selon l'Irsem de les résumer ou de les formaliser.