Walras et l'économie publique

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Walras et l'économie publique - Disponible sur l'archive ouverte pluridisciplinaire HAL.


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Walras rejette la théorie du contrat social car elle conduit, selon lui, à cet individualisme absolu où l'individu apparaît comme la base et le fondement unique des sociétés. " Pour cette doctrine, l'homme... est par lui-même et par lui seul une personne morale ; et le jour où il veut bien consentir à devenir ou à demeurer associé avec d'autres


Nous avons pensé que le plus satisfaisant pour le lecteur était d'indiquer, pour les oeuvres de Walras, auxquelles on fait référence, la date de la première publication puis, éventuellement, le recueil dans lequel il les a, plus tard, republiées. Le sigle EEPA fait référence aux Études d'Économie Politique Appliquée. EES désigne les Études d'Économie Sociale et EEPP les Éléments d'Économie Politique Pure. Dans le cas des Éléments, la date est celle de l'édition dans laquelle le passage apparaît pour la première fois.


Il lui oppose l'idée que la société est un fait naturel ou nécessaire et que l'homme n'existe qu'en société et par la société. Il compare la société à une armée en campagne. " L'individu dans la société, comme le soldat dans l'armée, n'est rien par lui seul et il emprunte la moitié de sa valeur à la collectivité dont il n'est qu'un terme. Il n'y aurait pas plus de société sans individus que d'armée sans soldats ; mais l'individu ne serait pas plus en état d'accomplir sa destinée sans la société et hors de la société que le soldat ne serait capable de livrer bataille à lui tout seul " (Id. 1879-80 ; Cours : 209). L'individu est une abstraction, c'est l'homme considéré abstraction faite de la société auquel il appartient et, pour assurer la symétrie, Walras appelle conditions sociales générales, la société abstraction faite des hommes dont elle est formée.


Ce que Walras dit de la société, il le dit aussi de l'État. " L'État n'est pas une collection pure et simple d'individus... et l'intérêt et le droit de l'État ne sont pas purement et simplement l'intérêt et le droit de tous les individus par opposition à l'intérêt et au droit de chaque individu " (Ibidem). Dans la théorie économique de Walras, il y aura deux sortes d'agents : les individus qui maximisent leur utilité sous la contrainte des revenus de leurs facultés personnelles et l'État qui poursuit ses propres fins et dispose de ses propres ressources puisqu'il est, de droit naturel, le propriétaire des terres. Il pense qu'à son époque l'équilibre entre les individus et l'État est rompu. Au point de vue politique, il faut assurer la liberté du citoyen ; au point de vue économique, il faut, au contraire, restaurer l'autorité de l'État. La solution de la question sociale, du point de vue économique, est tant en ce qui concerne la production que la répartition des richesses dans le renforcement de l'État (Id. : 1896 a ; EES : 172).


Cette conception de la société et de l'État conduit Walras à défendre un socialisme libéral dont les caractéristiques sont parfois surprenantes. Il soutient que c'est à raison que le socialisme affirme le problème social et cherche à le résoudre. Il pense pouvoir en s'appuyant sur sa théorie des prix et de la répartition montrer dans quels cas la liberté de l'échange et de la production assure, à la fois, une production abondante et adaptée aux besoins et dans quels cas elle échoue. De cette analyse, on peut déduire les limites de l'initiative individuelle et de l'intervention de l'État. De la même façon, il soutient que la propriété collective de la terre et la propriété individuelle des facultés personnelles assurent une distribution équitable des richesses et, en reprenant la terminologie qui lui est chère, l'égalité des conditions et l'inégalité des positions. Il en conclut (Ibid. : 161) que, scientifiquement, on peut être hardiment socialiste. Ce qu'il reproche aux libéraux, c'est de nier l'existence de la question sociale et de rejeter toute intervention de l'État. Réciproquement, il estime que les socialistes ont tort quand ils cherchent à imposer de façon autoritaire leur solution. " Il est odieux qu'une solution quelle qu'elle soit du problème social, fût-ce la vérité sociale elle-même, prétende s'imposer à nous malgré nous " (Ibid. : 160). En fait de politique, on doit être libéral et attendre que les idées se forment et progressent pour finalement s'imposer.


Les conceptions philosophiques et politiques de Walras ont, sans doute, affecté la façon dont il analyse les questions qui relèvent de l'économie publique. Mais, on ne peut pas rejeter simplement les conclusions qui sont les siennes en soutenant qu'elles reposent sur des idées philosophiques quelque peu surannées.


Les libéraux avaient, depuis longtemps, défendu les mérites du Laissez passer, Laissez faire. Bastiat (1850 : 14) avait, avec vigueur, réaffirmé cette thèse et annoncé que " le problème social sera bientôt résolu, car il est, quoiqu'en dise, facile à résoudre. Les intérêts sont harmoniques donc la solution est toute entière dans ce mot : LIBERTÉ. " Le problème est que les libéraux n'avaient jamais proposé de cette assertion une démonstration rigoureuse. Pour l'établir ou la discuter " il faudrait prouver que la libre-concurrence procure le maximum d'utilité " (Walras, 1898 : 419). Ainsi, Walras est à l'origine de la théorie de l'optimum. Certes la démonstration qu'il propose n'est pas satisfaisante mais il indique la voie dans laquelle s'engageront Pareto (1906) et Allais (1943) pour établir les deux théorèmes fondamentaux du bien-être.



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Date :

03/02/2011


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Français


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37


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Résumé

Auteur : Alain Béraud


Tags : Article de recherche, Economie
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