Exposé : Nous, citoyens Européens ?

Publié par : Saywhat

Exposé : Nous, citoyens Européens Cette analyse s’attachait à montrer les nombreux obstacles à la réalisation d’une véritable citoyenneté européenne, qui puisse exister au-delà de la théorie. Ces obstacles sont non seulement nombreux, mais également difficiles à surmonter puisque je ne parle ici ni plus ni moins de l’émergence d’un sentiment d’appartenance et de la démocratisation de l’Union Européenne, conditions nécessaires pour qu’un peuple d’Europe voit le jour qui puisse se définir comme « Nous, Citoyens Européens. » Il ne faudrait cependant pas succomber à une attitude pessimiste, ou même défaitiste, car comme le note Jean-Marc Ferry, une citoyenneté européenne est à la fois impossible aujourd’hui et absolument nécessaire au succès du projet européen. Et c’est bien le propre du politique que d’œuvrer pour réconcilier les deux demain.


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Mais une Europe à vocation cosmopolitique semble difficilement compatible avec la formation d'une identité européenne, susceptible de s'inscrire à la fois dans l'objectivité des institutions mais aussi, et peut-être surtout, dans l'imaginaire des individus. En effet, comme le souligne Jürgen Habermas, " une communauté politique doit être à même de distinguer entre ceux qui sont membres et ceux qui ne le sont pas... cette conception éthico politique qu'ont d'eux-mêmes les citoyens d'une communauté démocratique fait défaut à la communauté inclusive des citoyens du monde. " On peut alors imaginer qu'à force de dilution, en l'absence de frontières, et donc de " Eux ", il ne puisse pas émerger un peuple européen qui se définisse comme " Nous, citoyens européens ".


Cependant, confiner au manque de frontières clairement établies l'absence d'une identité européenne serait trop réducteur. Jean-Marc Ferry, dans la question de l'Etat Européen, note que l'Union Européenne est le signe d'une orientation post nationale de la citoyenneté et il s'interroge sur la possibilité d'un peuple d'Europe à travers ses nations. En d'autres termes, est-il seulement possible de concevoir une citoyenneté hors du cadre de l'Etat nation ? Culturellement différenciées et politiquement autonomisées, les nations d'Europe opposent une résistance particulière à leur intégration pure et simple dans un Etat supranational. Si la suppression des citoyennetés nationales n'est pas concevable, il faut donc envisager l'existence d'une double citoyenneté. Ferry défend, dans cette perspective, l'idée d'un peuple européen qui devrait son avènement non pas à la dilution des nations dans une dynamique d'intégration dépolitisante mais plutôt à une Constitution originale qui articule droits des citoyens et droits des peuples, tout en recherchant un ancrage substantiel en direction d'une communisation des cultures politiques au sein d'un espace public transeuropéen.


Mais l'émergence d'une telle double citoyenneté n'est possible que si l'Union Européenne existe, dans les termes de Michael Walzer, en tant que communauté morale (ensemble de schémas de pensée, de valeurs partagées entre individus appartenant à une même aire culturelle et à un même contexte historique) et non pas seulement en tant que communauté légale (le cadre d'applicabilité des mesures de politique publique opposables à une collectivité de ressortissants). La communauté morale a deux composantes : une communauté de culture et une communauté d'histoire. Or, si l'on peut estimer qu'il existe bien un socle commun de la culture européenne (on peut notamment penser à l'influence de l'Antiquité Grecque et à celle de la Renaissance), son élément universel s'est concrétisé à travers des cultures nationales aux caractéristiques propres. Quant à l'histoire de l'Europe, elle consiste en une multitude d'histoires nationales, fermées les unes aux autres, par un refus d'engager une réflexion critique de celles-ci, excepté dans certains cas. On pourrait nuancer ce propos en rappelant l'invitation française des dirigeants allemands lors des commémorations, par exemple, du débarquement de Normandie. Cependant, l'émergence d'une citoyenneté européenne y gagnerait à célébrer des dates chargées d'histoire telles que le 8 Mai conjointement, non pas tant pour célébrer une victoire d'un peuple, mais plutôt la victoire des peuple européens à assurer leur paix.


Une réelle citoyenneté européenne ne suppose pas seulement l'émergence d'un peuple européen. Elle dépend également d'une démocratisation des institutions européennes. Comme le note Etienne Balibar dans Nous, Citoyens d'Europe ? il ne peut pas y'avoir de pratique collective de la politique sans structures publiques ; pas de structures publiques, ou d'Etat en Europe, sans un développement de la politique de masse sous toutes ses formes. Or une telle politique de masse manque cruellement aujourd'hui. L'Union Européenne fut inventée et construite par des dirigeants nationaux et par des technocrates. Les citoyens n'y jouèrent que rarement un rôle significatif et perçoivent donc les institutions comme fort lointaines de leurs préoccupations et de leurs valeurs. Il n'y a pas de citoyenneté européenne définie comme participation active des individus à la vie politique.


L'acquis européen dessine un paysage dont la froideur laisserait plutôt penser à un étiage supplémentaire de la dépolitisation bureaucratique de l'Etat. Or, un tel paysage ne peut pas être légitime aux yeux de ses observateurs, les citoyens. Ferry introduit ainsi l'idée du politique comme culture, idée influencé par l'oeuvre d'Alexis de Tocqueville : la démocratie se forme aussi et d'abord dans des pratiques discursives, concertatives et délibératives. Ainsi les campagnes électorales jouent un rôle crucial dans les démocraties car elles permettent d'amener les enjeux dans le débat public et d'avoir une idée de l'opinion publique. Un citoyen a tendance à accepter une décision prise dans les procédures dites démocratiques, même si cette décision est contraire à ses intérêts ou à ses convictions. Ce qui compte, c'est qu'il comprenne la pertinence de celle-ci. Il est donc absolument nécessaire pour voir émerger une communauté politique européenne de pouvoir renvoyer intuitivement le résultat du vote à une volonté politique, cette volonté politique à une opinion publique, et cette opinion publique à un sens commun. Dans les termes de Jean-Marc Ferry, " nous avons besoin de comprendre ce qui a été ainsi voulu afin de pouvoir dire que nous l'avons voulu. Sinon ce n'est pas légitime. Et afin de pouvoir dire que nous l'avons voulu, nous devons savoir comment et pourquoi. " Cela suppose un contact avec les opinions publiques, et donc un espace public.


En dernière instance, il convient de se demander quels sont les avantages à acquérir une citoyenneté européenne. La citoyenneté européenne peut-elle apporter aux citoyens des pays membres de l'Union Européenne plus qu'une citoyenneté nationale n'est capable de leur offrir ? Bernard Manin, dans son Cours familier de philosophie politique, note que la construction de l'Europe signifie une extension des droits de l'individu, des possibilités qui lui sont ouvertes. On peut suivre une partie de son éducation, réaliser une partie de son cursus professionnel, dans n'importe quel Etat membre. Mais cette possibilité n'est ouverte, comme il le souligne, qu'à ceux qui peuvent en profiter, c'est-à-dire généralement les classes les plus aisées. Plus important, l'Union Européenne, par le biais de la Cour Européenne des Communautés Européennes, la CJCE, permet à tout citoyen européen qui jugerait ses droits fondamentaux bafoués par la justice de son propre pays, d'avoir recours à une instance supérieure. L'Union Européenne offre donc une garantie supplémentaire du respect des droits de l'homme. Enfin, l'Union Européenne pourrait permettre la protection des droits sociaux des citoyens. En effet, face à une mondialisation rarement contrôlée, les pays membres sont souvent impuissants pour éviter une régression des droits et avantages acquis et ont souvent du mal à se réformer en profondeur pour s'adapter aux évolutions mondiales. Mais si les Etats européens semblent aujourd'hui trop peu puissants pour influer de manière significative, une Union Européenne politiquement et économiquement forte, ayant la volonté de combattre le chômage, l'exclusion et les effets pervers de la mondialisation pourrait à la fois protéger certains droits sociaux aujourd'hui menacés et encourager des réformes nationales nécessaires.


Cette analyse s'attachait à montrer les nombreux obstacles à la réalisation d'une véritable citoyenneté européenne, qui puisse exister au-delà de la théorie. Ces obstacles sont non seulement nombreux, mais également difficiles à surmonter puisque je ne parle ici ni plus ni moins de l'émergence d'un sentiment d'appartenance et de la démocratisation de l'Union Européenne, conditions nécessaires pour qu'un peuple d'Europe voit le jour qui puisse se définir comme " Nous, Citoyens Européens. " Il ne faudrait cependant pas succomber à une attitude pessimiste, ou même défaitiste, car comme le note Jean-Marc Ferry, une citoyenneté européenne est à la fois impossible aujourd'hui et absolument nécessaire au succès du projet européen. Et c'est bien le propre du politique que d'oeuvrer pour réconcilier les deux demain.



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09/01/2013


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