Exposé Individualisme et Démocratie

La liberté a pour conséquence que l'homme n'est plus forcé de se soumettre à des ordres aussi contraignants qu'avant et pour cela la liberté offre à l'homme la possibilité de tourner tous ses sentiments vers lui seul. Ce tournement de tous ses sentiments vers lui seul est la définition d'individualisme selon Tocqueville. L'idéal (moderne) de subordination de l'individu aux règles collectives vient d'être pulvérisé. Les hommes ne cherchent plus à créer le " nouvel homme " mais ils veulent simplement vivre à leur goût. On peut même considérer que l'individualisme finalise en égoïsme - ce qui est une manie pour son propre ego ou bien un amour exagéré de soi. (L'égoïsme est un vice ancien qui existe dans n'importe quel système politique.)

Il est typique pour l'individualisme que les valeurs communes se détruisent de plus un plus ce qui mène à une " balkanisation identitaire " d'où une collectivité d'appartenance qui n'est plus l'Etat, mais des collectivités plus petites comme des associations ou la famille. D'où vient ce sentiment de non appartenance à l'Etat ?

Dans les pays aristocratiques les hommes sont fortement liés entre eux par leurs inégalités. La destruction de cette hiérarchie ancienne ou bien la chaîne des êtres humains par exemple du paysan au grand propriétaire, est le but de la démocratie mais cette destruction a également des conséquences négatives. Elle coupe les anciens horizons moraux et l'individu ne fait plus partie d'un ordre qui le dépasse.

De plus dans la démocratie les individus ne sont plus assez riches ni puissants pour exercer une grande influence sur le sort de leurs semblables. Mais au contraire ils ont des lumières et des biens pour prendre soin d'eux-mêmes (et peut-être la petite société autour d'eux). " Ceux-là ne doivent rien à personne, ils n'attendent pour ainsi dire rien de personne; ils s'habituent à se considérer toujours isolément, ils se figurent volontiers que leur destinée tout entière est entre leurs mains " (Tocqueville, DA, T2, p. 127).

En conséquence, les hommes s'attachent les uns aux autres seulement grâce à leur propre volonté ; à très peu d'exceptions il n'existe plus de rapports forcés entre les individus. Sauf à des obligations imposées par l'État comme l'assistance des enfants à l'école, personne n'est forcé d'entrer en contact avec d'autres personnes. La liberté offerte aux hommes dans les temps modernes met en cause les relations de l'individu aux individus, aux réseaux sociaux et aux normes de réciprocité et de confiance qui en émergent. De plus dans une démocratie il n'existe aucune autorité qui pourrait limiter cette liberté et ordonner aux individus de s'engager dans des relations autres que les relations familiales. (On peut seulement essayer d'y éduquer). Pour cela la soumission des hommes aux valeurs individualistes est la conséquence logique de la démocratie.

Pour que la démocratie puisse fonctionner il lui faut l'existence d'une communauté politique où les individus se reconnaissent mutuellement et s'identifient par la référence à des valeurs communes, ceci implique entre autre un cadre spatial et un cadre temporel. Le lien social le plus important pour la démocratie est alors le rapport de l'individu à la collectivité étatique. L'Etat nation par exemple est établie par l'ensemble des individus qui sont inclus dans la nation et qui disposent de l'ensemble des droits. Il y a toujours une forte ligne de démarcation entre l'appartenance et le rejet d'appartenance à cette nation. Les hommes qui en fait partie ne sont plus de simples individus mais des citoyens. Les citoyens dans leur ensemble sont la puissance souveraine du régime. En Occident, la citoyenneté apparaît comme le véritable ciment de la société et la base véritable de l'Etat.

Pour effectuer cette puissance, il est indispensable que les citoyens participent au système. Il faut bien constater que dans la démocratie l'élection remplace jusqu'à un certain point la hiérarchie des régimes anciens. La démocratie libérale suit deux principes : la source de tout pouvoir réside dans la collectivité des citoyens (comme vu) et la volonté des citoyens est représentée dans le gouvernement qui est élu démocratiquement. Tous les citoyens ont le droit de voter et toutes les voix comptent de manière égale.