Exposé sur Georges Bernanos

III) Enfin, si nous nous interrogeons sur la validité, 60 ans plus tard, du diagnostic de Bernanos, nous sommes amenés à reconnaître que l'Europe n'est pas sortie de la crise. Et qu'elle n'a peut-être pas du tout vocation à en sortir, que cette crise est peut-être fondatrice et fructueuse. (Jan Patockà)

L'avènement du capitalisme (et //ment, celui du marxisme) a structuré toute la société autour de la production de biens matériels. Les hommes, dès lors, ne s'intéressent plus qu'à cela et en oublient qu'ils ont une âme (un esprit). Comme il le dira plus loin dans le texte, les hommes font avec leurs mains pour oublier qu'ils ont une âme, éviter toute inquiétude métaphysique. Cette prééminence du matériel, pour Bernanos, les dénature. Ce monde n'est plus adapté à l'homme et à sa véritable nature, qui est métaphysique (mythes-monstres).

D'autre part, l'Etat moderne, qui s'organise pour assurer cette prospérité matérielle aux individus, devient " une entreprise d'exploitation et de police démesurément grossie ". Bernanos se méfie de l'idée de justice sociale qui repose sur une égalité " statistique et mathématique " entre les hommes. Il la soupçonne donc d'être une justice " sommaire ". Or elle justifie un certain " dirigisme éco et social ", donc une certaine contrainte exercée par l'Etat, qui tue la liberté et menace ainsi de causer une de ces " crise de refoulement " (=guerre moderne).

" Partout où l'Esprit européen domine, on voit apparaître le maximum de besoins, le maximum de travail, le maximum de capital, le maximum de rendement, le maximum d'ambition, le maximum de puissance, le maximum de modification de la nature extérieure, le maximum de relations et d'échanges.

* Tandis que cet amour du progrès est ce qui unit les européens pour Valéry (qui reconnaît qu'ils en ont fait mauvais usage cependant à travers la guerre de 14), Bernanos met en garde contre la foi dans le progrès, " impuissante à nourrir les coeurs " et qu'il accuse d'avoir justifié les atrocités de la guerre.

La question centrale que pose le texte de Bernanos est la suivante : l'homme s'éloigne-t-il de sa vocation, de sa nature profonde s'il s'éloigne de Dieu ? Cette question reste ouverte et mérite d'être posée (Mais a-t-elle seulement une réponse hors du postulat de la foi ?) Je ne prétends donc pas l'examiner ici.

En revanche, on peut retrouver son idée de décomposition des structures de la société dans ce que nous avons appelé ici " la crise de notre temps ", cette perte des valeurs et cette mise en question de l'universel, de l'idée de vérité. Ainsi, l'Europe est encore en crise, sans cesse déchirée entre ses aspirations à l'unité et donc à des valeurs universelles - et son respect du pluralisme.