Commaille, Strobel et Villac : La politique de la famille

Si l'on regarde les choses en principe, toute politique sur la population a un impact familial. Ceci est d'autant plus le cas que les termes de politique et de famille sont extensibles. En pratique, on retient une définition limitée de la politique familiale : elle "comprend l'ensemble des mesures, financées sur fonds publics, dont l'attribution ou le montant sont liés à la présence d'enfants ".

La France ne dépense pas beaucoup plus que ses partenaires européens, et elle est même sous les pays d'Europe du Nord. On observe de manière globale deux groupes en terme de dépenses : les pays du Nord ont augmenté leurs dépenses depuis les années 1990, tandis que les pays du Sud ont des dépenses constantes (voire en baisse pour l'Italie).

Les philosophies en matière de politique familiale sont séparées par trois clivages. Le premier est entre les politiques d'inspiration beveridgienne (droits sociaux fondés sur la résidence dans une dimension universaliste) et les politiques d'inspiration bismarckienne (droits sociaux fondés sur le travailleur). Le second clivage repose sur l'équilibre entre épanouissement individuel et soutien aux familles. Le troisième clivage repose sur la répartition des obligations familiales et de leurs charges entre Etat et familles et à l'intérieur de celles-ci.

Ce mouvement a largement été porté par les mouvements féministes : leur volonté d'obtenir un statut salarié et l'autonomie financière et politique a remis en cause le modèle familial hiérarchique et l'image qu'il véhicule de la femme-mère. Pour certains (Giddens, The Transformation of Intimacy. Sexuality, Love and Eroticism in Modern Societies, 1992), ce mouvement conduit à une démocratisation de la vie privée. Mais d'autres (Beck) considèrent que nous en sommes loin, et que les tensions entre l'idéal d'émancipation et la réalité des inégalités crée de fortes tensions. On peut dans ce cadre reprocher à Giddens d'avoir développé une théorie qui convient surtout à certaines couches de la population, oubliant toutes celles qui s'enfoncent dans les difficultés économiques et familiales. Le droit civil français témoigne également d'une telle ambiguïté.

Enfin, la politique publique a eu à faire face à de nouveaux interlocuteurs issus de divers mouvements. Contre les mouvements familiaux institutionnalisés, et porteurs du familialisme, les mouvements de femme d'abord, puis les mouvements homosexuels, se sont investis pour montrer que la sphère de l'intime ne doit pas être exclue du combat politique, notamment en terme d'égalité et de principes démocratiques.