Les Acteurs de bonne foi de Marivaux (Fiche de lecture)

C'est la tante d'Éraste, Madame Amelin, qui a commandé à Merlin ce divertissement pour surprendre Madame Argante, dont les rigoureux principes ne sont pas compatibles avec le plaisir du théâtre, réputé immoral. Cette épreuve que Madame Amelin veut imposer à son hôte est la contrepartie de son consentement au mariage entre Angélique, la fille de Madame Argante, et Éraste, son neveu. Madame Amelin, très fortunée, considère ce mariage comme une mésalliance. Elle impose donc à Madame Argante, dont les moyens sont nettement plus modestes, de payer un prix symbolique pour cette union : le sacrifice de ses principes.

L'exposition est suivie par un premier moment de théâtre dans le théâtre entre Merlin, Lisette, Colette et Blaise. Merlin veut répéter la pièce. Il distribue les rôles, qui correspondent au caractère de chacun, et annonce l'enjeu de la comédie : Colette séduit Merlin, trahissant ainsi Blaise, à qui elle est promise.

Madame Argante, attirée par le bruit de la dispute, découvre que Merlin prépare la représentation d'une comédie. Elle apprend que Madame Amelin est à l'origine de ce qui aurait dû être pour elle une surprise. Mais elle refuse le divertissement, qui lui semble " ridicule " (scène 6) pour une femme de son âge. Merlin craint de perdre l'argent que Madame Amelin lui a promis et qu'il a déjà investi pour le spectacle. Madame Argante lui garantit qu'elle le dédommagera. Madame Amelin accepte de mauvaise grâce de renoncer à la représentation.

Madame Amelin apprend à Madame Argante qu'elle va partir à Paris, de dépit, après avoir dû renoncer au divertissement qu'elle avait prévu. Madame Argante joue le rôle attendu : elle renonce très rapidement à ses rigoureux principes pour en venir à réclamer des spectacles. Elle se soumet au chantage de Madame Amelin, qui va toutefois jusqu'au bout de la comédie, en annonçant qu'Éraste va épouser Araminte. Madame Argante, désespérée, propose même de jouer un rôle dans la pièce de Merlin. Elle se montre très déterminée à faire échouer le projet de Madame Amelin et d'Araminte, à qui elle rappelle ses " quarante ans ", un âge relativement avancé pour l'époque, non sans quelque cruauté.

Le notaire arrive sur scène. Madame Amelin prétend qu'il apporte un contrat pour le mariage entre Éraste et Araminte. Mais le notaire révèle que ce contrat est au nom d'Éraste et d'Angélique. Chacun prend conscience de la comédie qu'a jouée Madame Amelin. La pièce se termine dans une réconciliation générale et sur la perspective heureuse de mariages entre Angélique et Éraste, ainsi qu'entre Lisette et Merlin.

Le nom de ce personnage, hérité du Moyen Âge, renvoie aux légendes et à la magie. Le pouvoir particulier dont il dispose dans la pièce de Marivaux est celui du théâtre. C'est lui que Madame Amelin charge d'élaborer une comédie destinée à corriger les moeurs trop rigoureuses de Madame Argante. Il en compose le canevas, distribue les rôles et donne les indications de mise en scène. Il prend plaisir à jouer et à observer les réactions de Lisette et de Blaise. Le théâtre, pour lui, semble être avant tout un divertissement.

Merlin est un valet intelligent, dont le vocabulaire est riche et témoigne d'une certaine culture. Il comprend que la fiction théâtrale est une voie indirecte de révélation de la vérité des êtres. L'intrigue qu'il élabore doit mettre en évidence les sentiments amoureux de Lisette et de Blaise, à travers la jalousie dont ils feront preuve. Merlin est habile et conscient de ses qualités. Dans la scène première, il affirme même : " les génies comme le mien ne connaissent pas le médiocre ". Il témoigne face à Éraste, son maitre, d'une plaisante assurance. Il est sûr d'être un auteur de génie et se présente comme le maitre du jeu.