Mémoires d'une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir (Fiche de lecture)

Simone entre aux cours Désir, sa première classe. Sa mère lui inculque une morale traditionnaliste : le sens du devoir, l'oubli de soi, l'austérité, les usages langagiers et les comportements convenables. Quant à son père, un individualiste à l'éthique profane, il s'occupe de sa vie intellectuelle : " Ce déséquilibre qui me vouait à la contestation explique en grande partie que je sois devenue une intellectuelle ", p. 57.

Simone lit énormément et finit par se mettre à écrire à son tour : " En dehors de mes études, la lecture restait la grande affaire de ma vie " (p. 93). Ses parents lui interdisent la lecture de certains ouvrages. Petite, elle se sait déjà exceptionnelle, dotée d'un destin à part. En quatrième-première, elle se lie d'amitié avec Elizabeth, " Zaza ", dont la vivacité, l'intelligence et le naturel charment Simone, qui ne conçoit plus sa vie sans son amie.

Elle sent son père désappointé par son physique de jeune fille pubère : l'acné la ravage et l'entre-deux âges la rend gauche (" Ainsi mes rapports avec ma famille étaient-ils devenus beaucoup moins faciles qu'autrefois. Ma soeur ne m'idolâtrait plus sans réserve, mon père me trouvait laide et m'en faisait grief, ma mère se méfiait de l'obscur changement qu'elle devinait en moi ", p. 147). Simone perd confiance en elle.

Elle souffre également de son statut de femme : elle n'a pas accès à la même instruction que les hommes et tout ce qu'on lui donne à apprendre ne sont que des versions épurées de la réalité. La bêtise des adultes aux cours Désir l'agace : sermons onctueux, rabâchages solennels, simagrées, broutilles, usages et coutumes. Elle reçoit un enseignement sectaire : il lui est difficile de penser par elle-même puisqu'on lui enseigne un système monolithique et incohérent. L'éducation se joue entre son père athée et sa mère chrétienne : " À regarder à la fois le monde à travers les versets de l'Évangile et les colonnes du Matin, la vision se brouille. Je n'avais d'autre ressource que de me réfugier, tête baissée, dans l'autorité " (p. 174). Dieu finit par cesser d'exister pour Simone.

Garric, un de ses professeurs, suscite en elle la volonté de servir à l'humanité : " Mon chemin était clairement tracé : me perfectionner, m'enrichir, et m'exprimer dans une oeuvre qui aiderait les autres à vivre " (p. 251). Son cousin Jacques, pour qui elle éprouve une vive admiration, lui prête tous les ouvrages jadis prohibés et la littérature prend dans sa vie la place de la religion : les livres sont pour elle une Bible dans laquelle elle plonge pour trouver conseils et réconforts.

Rejetant les clichés, les lieux communs, ils refusaient avec mépris les anciennes sagesses dont ils avaient constaté la faillite ; mais ils n'essayaient pas d'en construire une autre ; ils préféraient affirmer qu'il ne faut jamais se satisfaire de rien : ils exaltaient l'inquiétude (p. 255).

Jouir de belles choses lui suffit ; il accepte le luxe et la vie facile, il aime le bonheur. Moi, il me faut une vie dévorante. J'ai besoin d'agir, de me dépenser, de réaliser ; il me faut un but à atteindre, des difficultés à vaincre, une oeuvre à accomplir. Je ne suis pas faite pour le luxe. Jamais je ne pourrai me satisfaire de ce qui le satisfait (p. 285).