Le veston ensorcelé de Dino Buzzati (Fiche de lecture)

Le narrateur se rend chez le tailleur Corticella, dans une maison banale. Ce dernier est content de l'accueillir parmi ses clients et prend commande du costume. Selon le tailleur, le paiement peut attendre. De retour chez lui, assailli par un étrange sentiment de malaise, le narrateur a envie de rompre toute relation avec le commerçant, mais n'en fait rien. Trois semaines plus tard, le costume est livré, parfaitement réussi. Cependant, le narrateur hésite encore à le porter, à cause du souvenir désagréable des sourires doucereux du tailleur.

Il se décide enfin, plusieurs semaines plus tard, à enfiler le costume et, portant la main à la poche droite de son veston, il découvre un billet de dix mille lires. Croyant à une distraction du tailleur, il est prêt à téléphoner à ce dernier. Mais, mettant à nouveau la main dans sa poche, il en sort un autre billet. Croyant à un miracle, il commence " à extraire les billets l'un après l'autre [...] de la poche qui sembl[e] inépuisable " (p. 162). À la fin de la nuit, il a accumulé cinquante millions de lires.

Le narrateur passe encore la journée du lendemain à tâter la poche de son costume, " qui ferait de [lui] en quelques jours un des hommes les plus puissants du monde " (p. 163), et y découvre toujours avec ravissement le froissement d'un billet. Mais les gros titres des journaux retiennent son attention : un fourgon blindé a été attaqué et les voleurs ont dérobé cinquante millions. Un des bandits, pour protéger sa fuite, a tué un passant. La coïncidence rend le narrateur perplexe, mais il juge qu'il s'agit de pure superstition.

La nuit suivante, cédant au " mirage d'une existence de luxe effréné " (p. 164) qui mettrait fin à son modeste train de vie, il extrait de sa poche cent trente-cinq millions, oeuvrant de manière plus méthodique que la veille. Cependant il dort mal, ne sachant s'il est en proie au remords, à la mauvaise conscience d'avoir amassé tant d'argent sans avoir travaillé ou au pressentiment d'un danger.

Le narrateur comprend désormais " que l'argent que le veston [lui] procur[e] v[ient] du crime " (p. 164). Toutefois, toujours tenté par davantage d'argent, il s'achète une grande villa, une précieuse collection de tableaux et une automobile de luxe. Il quitte également son emploi et parcourt le monde en compagnie de jolies femmes.

Un jour, il apprend qu'une sexagénaire qui vit dans le même immeuble que lui s'est suicidée parce qu'elle avait perdu les trente mille lires de sa pension touchée la veille. Or il vient de retirer la même somme de son veston... Le narrateur décide alors, " pour ne pas [s'] enfoncer dans l'abime " (p. 165), de se débarrasser du veston, non pas en le donnant, car la malédiction continuerait, mais en le détruisant. Dans une vallée isolée des Alpes, il y met le feu. Une voix, dont il ne parvient pas à identifier la provenance, lui crie : " Trop tard, trop tard ! " (p. 166), tandis qu'il se sent enfin libre.