Charles de Gaulle : leçons de commandement

Tout a été écrit sur Charles de Gaulle, sa vie, son oeuvre, sa personnalité, sa trace dans l'histoire, l'homme public, l'homme privé, etc. Un des personnages historiques les plus étudiés, sans doute. Charles de Gaulle mérite de faire couler de l'encre en effet, au-delà de la fascination qu'il exerce sur le public.

Par ce destin incroyable déjà, qui croise l'histoire dans ses moments les plus cruciaux. Beaucoup d'événements essentiels du XXe siècle ont Charles de Gaulle pour protagoniste. Où se noue une querelle pointe l'ombre de son képi, où balance le sort du temps résonne sa voix, où se décide l'histoire s'avance sa main. C'est ainsi, sans l'avoir voulu il vécut à la croisée des chemins.

Par un charisme singulier enfin, le personnage impressionne ceux qu'il rencontre. Tous ou presque relatent que jamais aucun homme ne leur fit une aussi forte impression. Dès sa jeunesse, cette réputation de talent singulier le suit. L'étrange combinaison d'intelligence extrême dont sa vie et ses écrits témoignent de façon profuse, de détermination, d'assurance calme, frappe les esprits.

De Gaulle fut un chef. Il le fut dans sa vie et s'occupa lui-même, à travers ses livres, de la mise en récit de cette vie, donc de l'art d'être chef. Nous avons sous les yeux les travaux pratiques et le cours. Certes les livres du général ne traitent pas explicitement de l'art de diriger. Mais ils sont partout imprégnés de cette question tant l'art de commander fut le souci de ce militaire déposé au sommet de l'État comme on le serait par hélicoptère au sommet d'une falaise infranchissable. Et comme l'auteur n'est jamais avare de réflexions sur les événements qu'il traverse, comme il préfère montrer comment il dirige l'événement plutôt qu'il ne le subit, ses livres fourmillent de leçons de commandement. En pointillé, des îles giboyeuses semées sur un océan de talent. De même sa vie recèle d'innombrables situations où il montra qu'il avait en main le don du pouvoir. Il ne fut certes pas le seul et nombreux sont les hommes de pouvoir qui ont excellé dans leur art. Admire-t-on un boulanger de savoir-faire du pain ?

Mais dans le cas du général de Gaulle ce président permanent que l'on ne désignait que par son grade militaire pourtant attribué à titre provisoire le commandement est relevé dans la pratique d'un goût d'inattendu qui en complique le décryptage et accentue l'intérêt. Bien souvent, le personnage n'est pas là où on l'attend et ne réagit pas comme le fait un homme politique chenu et raisonnable. Ce n'est pas l'homme du juste milieu, façon René Coty sortant de la sieste, mais de l'excès, ce n'est pas le parangon du " bon sens rassis ", modèle Vincent Auriol écrivant son journal tous les soirs, mais le modèle de la créativité en acte, ce n'est pas un exemple de prudence aristotélicienne, façon Paul Reynaud tremblant devant le moindre képi, mais le culot en liberté. Voilà de quoi donner du goût à la potion.