Théorie des jeux appliquée à la gestion

Dans cette perspective, nous optons pour une approche pédagogique, qui privilégie l'illustration et les commentaires aux démonstrations formalisées. Tous les concepts développés sont expliqués, commentés et illustrés dans des situations interactives issues de la gestion. En particulier, un fil rouge sur l'assurance s'étire tout au long de l'ouvrage. Terrain d'application pour l'ensemble des concepts introduits, ce fil rouge permet d'instruire le lecteur sur la manière dont la théorie des jeux aborde un problème concret et les enseignements qu'on peut en retirer. Il permet aussi aux acteurs de la finance de trouver un nouvel éclairage à des résultats qui leur sont parfois familiers.

Cette manière de procéder permet d'attirer l'attention sur les liens qui existent entre la structure d'un jeu, la logique sous-jacente aux concepts employés et les résultats qui en découlent. La compréhension de ces liens, parfois non immédiats, est indispensable pour qui veut utiliser la théorie des jeux à bon escient.

Privilégier le pourquoi conduit également à souligner les vraies et les fausses limites de l'emploi de la théorie des jeux en gestion. Un jeu de structure simple ne peut certes embrasser toute la complexité du réel. Mais ce n'est pas là son objectif : la théorie des jeux n'a pas pour ambition de remplacer le décideur en lui fournissant la solution à son problème d'interactions (2). Par des jeux de structure simple, elle s'attache à souligner pourquoi certaines propriétés d'un contexte, contrairement à d'autres, sont susceptibles d'avoir un impact sur les résultats, et précise la nature de cet impact. Elle débarrasse la réflexion des fausses idées reçues, souvent liées à des intuitions lacunaires qui ne saisissent pas toute la complexité des interactions. En bref, son but est d'enrichir la réflexion qui guide la décision.

Le souci d'écrire un ouvrage de théorie des jeux qui soit abordable par un large public de gestionnaires, mais qui ne cède pas à un simplisme qui lui serait préjudiciable (3), nous a poussés à restreindre le nombre de thèmes abordés. Ces thèmes sont tous issus de la théorie des jeux non coopératifs (4), caractérisée par l'incapacité des acteurs à générer des contrats qui les privent de leur liberté d'en dévier : tout acteur doit rester libre d'agir à sa guise, à ses risques et périls.

Nous définissons tous les éléments constitutifs d'un jeu, en précisant si ces éléments sont ou non présents dans les contextes de gestion. Nous accordons une place de choix aux concepts fondamentaux de stratégie et d'information, et illustrons tous les termes introduits au moyen du fil rouge, qui peut être brièvement présenté comme suit : un assureur est confronté à un assuré, qui peut être " bon " ou " mauvais ", au sens où sa probabilité de subir un sinistre est faible ou élevée. L'assureur ne connaît pas la nature de l'assuré. Le problème est, tout simplement, de trouver les contrats d'assurance susceptibles d'être signés dans ce contexte d'information asymétrique.

Le chapitre 2 est consacré à l'équilibre de Nash. Pierre angulaire de la théorie des jeux, l'équilibre de Nash est simplement un profil de stratégies une par acteur -, dont aucun joueur ne gagne à dévier unilatéralement. En bref, il s'agit d'une suite d'actions qui présentent une forme de stabilité minimale. Nous illustrons les multiples incursions de l'équilibre de Nash en gestion, souvent masquées par l'emploi d'un vocabulaire qui n'est pas celui des jeux. L'application de ce concept au fil rouge permet de faire ressortir des faits bien connus, tel le handicap que représente pour les bons assurés la présence potentielle de mauvais assurés. Mais l'équilibre de Nash permet également de faire émerger des faits moins connus, comme le souhait des bons assurés de partiellement financer les contrats des mauvais assurés, afin de les dissuader de souscrire des contrats destinés aux bons assurés.