Les marchés financiers : péril ou opportunité pour l'industrie ? Quelques enseignements d'un épisode oublié de l'histoire de la Bourse de Paris

Publié par : Economist

Les marchés financiers : péril ou opportunité pour l'industrie ? Quelques enseignements d'un épisode oublié de l'histoire de la Bourse de Paris - Disponible sur l'archive ouverte pluridisciplinaire HAL.


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Dans les années 1830, cet ordre est bouleversé par une vague d'introductions en bourse d'entreprises industrielles. Cette fièvre des commandites débouche sur la première bulle spéculative sur des actions d'entreprises privées. Des bulles spéculatives sur la dette publique ou des actions parapubliques avaient eu lieu auparavant (la Compagnie du Mississippi en 1719-21), car qui dit titre coté, dit possibilité de bulle et les informations politiques y sont particulièrement propices avec les retournements qui peuvent se produire et les insiders qui peuvent avoir accédé à une information particulière. La bulle de 1835-38 a lieu en revanche sur des actions d'entreprises industrielles, ce qui inaugure un monde nouveau. Quantitativement, ce n'est certes pas grand' chose: le nombre des entreprises concernées est très limité, et elles ne sont pas de très grandes taille pour la plupart. Pourquoi sont-elles cotées ?


Traditionnellement il y deux motifs importants pour lesquels les actions sont cotées: liquidité et possibilité d'émissions. Les gens qui font coter les actions sont d'abord des actionnaires qui veulent vendre, souvent pour des raisons de cycle de vie: lors d'une succession, d'un partage, d'un changement de contrôle (même au sein d'une famille) ou d'une fusion, on a besoin de prix justes pour l'évaluation des parts des associés. Bien avant Walras on considère que le marché peut être un lieu relativement neutre pour fournir cette évaluation.


Après le crack de 1838 pourtant, les entreprises familiales considèrent que les risques sont plus grands que les gains, et cessent pour longtemps d'envisager la cotation en bourse. Le marché va reprendre sa place à l'articulation des besoins de l'Etat et de ceux du grand capitalisme, et jouer un rôle majeur dans le plus grand programme d'infrastructures jamais lancé : les chemins de fer.


De fait, la construction des chemins de fer requiert de longs travaux d'infrastructures avant que le moindre revenu ne rentre; une situation très différente de la plus grande partie de l'industrie où on peut développer l'activité essentiellement par autofinancement, ce qui rend peu nécessaire le recours au marché. Pour les chemins de fer, les investissements sont considérables pendant plusieurs décennies, souvent de l'ordre de 20% de l'ensemble de la formation nette de capital fixe nationale, 2% du PNB (Verley, 1989).


Pour ces montants énormes, les banquiers d'affaire reprennent et adaptent les méthodes qui ont été mises au point pour la dette publique, en particulier pour les grands emprunts des années 1818-1822 qui ont permis la libération du territoire. Comme pour la dette publique, placer rapidement de grandes quantités de titres pour des montants très élevés suppose d'atteindre une population plus large que les relations personnelles des banquiers d'affaires, une population qui souhaite la liquidité mais ne réalise pas beaucoup d'opérations parce qu'elle n'est pas composée de professionnels des affaires mais de bourgeois à la recherche d'une forme commode d'épargne retraite. Pour assurer la liquidité, il faut donc une population de financiers professionnels qui animent le marché, prennent provisoirement des titres avant de les écouler dans leur clientèle d'épargnants durables (de les " classer " comme on dit à l'époque) mais maintiennent la liquidité minimale exigée par ceux-ci; il faut aussi que ces professionnels contribuent à la crédibilité durable du marché.


Quoique les chemins de fer aient permis dans les années 1840 et surtout 1850 un développement considérable du marché, l'industrie continue à rester à l'écart de celui-ci, sauf exception. Les nouveaux secteurs qui y recourent sont encore des services publics en concession privée: la distribution d'eau et de gaz, ou les tramways vers 1900. L'échelle n'est pas celle des chemins de fer, parce que si on a également besoin dans ces cas de construire des réseaux avant de pouvoir commencer à gagner de l'argent, on peut néanmoins mieux fractionner les investissements (les réseaux sont plus locaux). La vraie deuxième vague de recours au marché pour l'investissement concernera plutôt les réseaux électriques, en particulier les investissements d'interconnexion qui ne prennent de l'ampleur qu'entre les deux guerres.



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Date :

03/02/2011


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Français


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18


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Auteur : Pierre-Cyrille Hautcoeur


Tags : Article de recherche, Economie
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