Vendredi ou la vie sauvage de Michel Tournier (Fiche de lecture)

Toutefois, le jour où ses outils se brisent et où sa meilleure chèvre s'échappe, il tombe à nouveau dans le désespoir et replonge dans la souille. Il a encore une fois des hallucinations, mais il comprend vite que seul le travail peut le sauver de la " paresse, du découragement et du désespoir " (p. 33).

La réapparition du chien Tenn, qui a également survécu au naufrage, provoque un changement majeur chez Robinson : il se construit une maison, porte de beaux vêtements pour le diner et commence à mesurer le temps avec une clepsydre et " un calendrier local " (p. 36). Avec Tenn, il réapprend aussi à sourire. Le millième jour du calendrier local, il rédige une charte, avec des lois concernant l'organisation et l'administration de l'ile, tout en se proclamant gouverneur. Après avoir été le témoin involontaire d'un rituel sacrificiel pratiqué par une quarantaine d'Indiens araucans venus en pirogues depuis les côtes chiliennes, il transforme sa maison en une sorte de forteresse, de crainte d'une attaque.

Un jour, en explorant le fond de la grotte qui lui sert d'entrepôt, Robinson tombe dans un petit trou qui lui rappelle le ventre de sa mère. Il y reste longtemps et réitère cette expérience à plusieurs reprises " pour y retrouver la paix merveilleuse de son enfance " (p. 58). Pourtant, il se rend compte qu'il s'agit d'une forme de paresse et que la construction d'une rizière occuperait mieux ses journées.

Lors de ses activités quotidiennes, il est également, pour la deuxième fois, témoin du rituel sacrificiel des Indiens araucans. Comme il est repéré, pour ne pas se faire tuer, il tire et sauve une des victimes. L'Indien, renommé Vendredi parce que c'est le jour où il a été sauvé, devient le serviteur très docile de Robinson, avec qui il peut communiquer grâce à ses progrès en anglais. Il est payé, mais ne saisit pas le sens du système mis en place par Robinson : à quoi bon la civilisation sur une ile déserte ?

Vendredi se permet, lors de ses moments de liberté, de faire des choses qui répugnent à Robinson, qui est même très déçu de voir que Vendredi s'est aménagé un petit univers à lui, dans la forêt. Ce dernier découvre aussi le tabac et le plaisir de fumer. Mais, en jetant un jour la pipe allumée dans la grotte où est entreposée la poudre explosive sauvée de la Virginie, l'Indien provoque une explosion qui détruit tout sur l'ile.

Dans l'espace sauvage ainsi recréé, Vendredi prend les commandes et encourage Robinson à s'exposer au soleil, à participer à des jeux sportifs et à cuisiner très simplement dans un trou plein de braises ou sur le feu. La première dispute entre les deux hommes a pour cause un des mets de Vendredi : Robinson refuse d'avaler son plat de serpents et de sauterelles. Pour calmer sa colère, Vendredi réalise, avec des plantes et des tiges, un mannequin qui ressemble à Robinson et qu'il frappe. Robinson fabrique alors à son tour une statue en sable qui représente Vendredi et, chaque fois qu'un différend survient, les deux hommes se vengent sur leurs copies. Vendredi invente aussi le jeu des déguisements : chacun prend l'apparence de l'autre et ils se moquent ainsi l'un de l'autre. Aussi, ayant bien avancé dans son anglais, Vendredi fait-il des jeux de mots, des associations surprenantes et des devinettes.

Un jour, Vendredi sauve une jeune chèvre et une forte amitié se crée entre lui et l'animal. Pour la préserver, l'Indien affronte et tue Andoar, le bouc le plus imposant de l'ile. Il fabrique ensuite un cerf-volant avec sa peau afin de profiter du vent qu'il adore et une harpe avec ses boyaux et son crâne.