Les mouches de Jean-Paul Sartre (Fiche de lecture)

Quinze ans auparavant, la mère d'Oreste, Clytemnestre, et son amant, le roi actuel, Égisthe, ont assassiné le père d'Oreste, Agamemnon. Les dieux ont alors envoyé des mouches sur la ville, symbole de la culpabilité éternelle du peuple qui, voulant jouir du spectacle de la mort, n'a pas prévenu Agamemnon du danger.

Vraiment ? Des murs barbouillés de sang, des millions de mouches, une odeur de boucherie, une chaleur de cloporte, des rues désertes, un Dieu à face d'assassiné, des larves terrorisées qui se frappent la poitrine au fond de leurs maisons et ces cris, ces cris insupportables : est-ce là ce qui plaît à Jupiter ? (p.114)

Les citoyens d'Argos, pâles et aux yeux creux, sont réunis et attendent dans la souffrance le début de la cérémonie. Chacun y va de sa lamentation : " Je pue ! Je pue ! Je suis une charogne immonde. Voyez, les mouches sont sur moi comme des corbeaux ! Piquez, creusez, forez, mouches vengeresses, fouillez ma chair jusqu'à mon coeur ordurier. J'ai péché, j'ai cent mille fois péché, je suis un égout, une fosse d'aisance... " (p.152)

Je ris, c'est vrai, je suis heureuse. Prétendez-vous que mon bonheur ne réjouit pas le coeur de mon père ? Ah ! s'il est là, s'il voit sa fille en robe blanche, sa fille que vous avez réduite au rang abject d'esclave, s'il voit qu'elle porte le front haut et que le malheur n'a pas abattu sa fierté, il ne songe pas, j'en suis sûre, à me maudire ; ses yeux brillent dans son visage supplicié et ses lèvres sanglantes essayent de sourire (p.161).

Elle fait prendre conscience aux hommes qu'ils sont leur propre bourreau. Mais Jupiter fait rouler la grosse pierre qui obstruait l'entrée de la caverne sur les marches du Temple et chacun retombe dans sa pénitence. Électre est condamnée par le roi à quitter la ville, pieds nus et sans bagage.

(...) ceux qui m'aperçoivent se sentent coupables jusqu'aux moelles. Mais je suis une coque vide : une bête m'a mangé le dedans sans que je m'en aperçoive. (...) Ai-je dit que j'étais triste ? J'ai menti. Il n'est ni triste ni gai, le désert, l'innombrable néant des sables sous le néant lucide du ciel : il est sinistre. Ah ! Je donnerais mon royaume pour verser une larme ! (p.190)

Jupiter prévient le roi qu'Oreste a pour dessein de le tuer. Le Dieu a permis le meurtre d'Agamemnon parce que son assassinat a plongé tout un peuple dans le repentir, mais il refuse celui d'Égisthe car il ne provoquera aucun remords chez Oreste. Le Dieu apprend à Égisthe que si les hommes venaient à prendre conscience de leur liberté, Roi et Dieu perdraient tout pouvoir ; c'est pourquoi Oreste, qui se sait libre, est dangereux.