Fiche de lecture : Karl Polanyi

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De 1815 à 1914, les civilisations occidentales connaissent cents ans de paix, i.e. de conflits localisés et de courte durée, souvent de nature coloniale, mais qui ne dégénèrent jamais en affrontements généralisés entre les grandes puissances. Jusqu'alors, l'équilibre des puissances reposait sur les possibilités d'alliances changeantes qui garantissaient l'indépendance des Etats en entraînant une alliance des faibles contre l'Ã?tat relativement plus fort


Les grandes puissances au prix de l'écrasement continuel des petites nations. La deuxième moitié de la période, avec l'avènement du Concert Européen, voit se continuer cette paix, mais elle est maintenant fondée sur l'émergence d'un parti de la paix (peace interest) très actif, basé sur la haute finance internationale, qui accepte et nourrit les conflits localisés, mais agit avec force pour sauvegarder la paix entre les grandes puissances, seule à même de garantir ses intérêts économiques (en raison de l'étalon-or). La constitution de la Triple-Alliance, puis la contre-alliance formée en 1906 entre l'Angleterre, la France et la Russie, allaient mettre un terme à l'équilibre des puissances : il restait moins de trois groupes de puissances. La Première Guerre Mondiale devenait inévitable à terme.

Sur le plan politique : mise en place de la Société des Nations, mais elle se révèle incapable d'assurer l'équilibre des puissances du fait du désarmement unilatéral des vaincus imposé par les Traités.

Sur le plan économique, la tentative est plus cohérente, et vise à restaurer l'étalon-or, avec le soutien de la haute finance internationale. Les pays vaincus arrivent à maîtriser l'inflation et renouent avec la stabilité de la monnaie entre 1923 et 1926, mais les tensions se reportent sur les vainqueurs européens, qui ne s'en aperçoivent d'abord pas tant que leurs monnaies fluctuent. Une fois qu'ils ont stabilisé leurs monnaies (entre 1925 et 1926), les tensions se reportent sur les Etats-Unis, qui se sont engagés à maintenir des taux faibles pour soutenir la Banque d'Angleterre, alors qu'ils sont eux-mêmes de plus en plus sujets à l'inflation (baisse des coûts alors que les prix restent stables). Finalement, ça conduit à la crise de 29, et à l'abandon de l'étalon-or (1933 pour les USA).


En fait, la croyance unanime, tant des socialistes que des libéraux, dans les vertus de l'étalon-or conduit partout à adopter des mesures restreignant le commerce international pour garantir la stabilité des changes, alors que l'effet recherché était l'inverse. Les années 30 voient donc se développer des empires autarciques, et ceux qui résistent le mieux sont ceux qui sont le moins attachés aux formes traditionnelles de l'Ã?tat libéral, et développent des formes nouvelles d'intervention économique (New Deal, Allemagne...)


Mais pour que le progrès économique ne se traduise pas par une catastrophe sociale, il fallait que la société ait le temps de s'adapter. Les efforts incessants de la royauté anglaise pour limiter les " enclosures " par une réglementation toujours plus lourde étaient dictés par des motifs proprement réactionnaires, mais ils ont eu pour effet de ralentir le rythme du changement, et donc paradoxalement de garantir le succès des " enclosures ". Si l'Ã?tat ne peut pas s'opposer au changement, il a le devoir d'agir sur son rythme pour permettre à la société de s'adapter. Dire que les efforts de la royauté ont été vains est donc une erreur, puisqu'ils ont en définitive assuré la réussite du changement social.


Mais ils ne le feront que si c'est rentable, et en particulier si les matières premières nécessaires à leur alimentation ne manquent pas (sinon leur vente sera pour le moins problématique). Cette condition n'est satisfaite que lorsque le mobile du gain s'est substitué à celui de la subsistance dans l'action des membres de la société. On assiste alors à une véritable transformation de la substance naturelle et humaine de la société en marchandise (on achète de l'homme et de la nature pour produire des marchandises), ce qui va puissamment contribuer à détruire les cadres sociaux traditionnels.


4. Sociétés et systèmes économiques

Contrairement à ce qu'affirmait Adam Smith, la propension à l'échange en vue du gain n'est pas naturelle. De nombreux exemples, des trobriandais au Nouvel Empire égyptien, en passant par les Bergdamas de l'Afrique du Sud-Ouest montrent que, tant que le marché n'est pas devenu une institution centrale de la société, les hommes sont mus par des considérations touchant à leur statut social, et non à leur intérêt économique personnel. Les forces qui régissent la société sont alors la réciprocité et la redistribution. La première est facilitée, dans des sociétés sans archives et sans administration complexe, par la symétrie des sociétés primitives, qui garantit des partenaires pour que les échanges soient bien réciproques. Quant à la redistribution, elle s'accomplit dans nombre de cas par l'intermédiaire de la centralité (la totalité de la production est versée au chef, qui effectue la redistribution à ses sujets). Ces institutions tendent à assurer le caractère social de la production.


5. L'évolution du modèle du marché

Le troc ne peut se développer, dans les sociétés primitives, que là où le système institutionnel le permet : il suppose l'existence du modèle du marché. Celui-ci se distingue de la symétrie, de la centralité et de l'autarcie par le fait qu'il crée une institution centrée sur un but unique : le marché. Quand le marché en vient à maîtriser le système économique, la société subit une mutation importante : le marché n'est plus encastré (embedded) dans les relations sociales, ce sont au contraire les relations sociales qui sont encastrées dans le système de l'échange. C'est pourquoi une économie de marché ne peut fonctionner que dans une société de marché.


Parallèlement, les marchés extérieurs se sont développés sur un modèle de chasse à des biens qu'on ne trouve pas sur place : ils n'impliquaient donc pas forcément un échange bilatéral, mais pouvaient très bien être une entreprise de transport unilatéral (piraterie...). Le commerce extérieur n'était pas un commerce entre nations, mais un commerce entre cités, qui échangeaient des biens en nombre limité, variété limitée surtout par une réglementation visant à tenir à l'écart marchés locaux (dirigés par les corporations) et extérieurs (où l'intérêt dominant était celui des marchands).


Le travail, la terre et la monnaie sont des marchandises fictives : elles ne sont pas produites pour la vente. Le marché autorégulateur repose donc sur une fiction. Le travail n'est rien d'autre que l'activité de l'homme. Faire de la force de travail une marchandise, c'est de fait soumettre la société au marché. Ce qui a rendu nécessaire cette évolution, c'est l'apparition de machines complexes et coûteuses parce que spécialisées, impliquant la mise en oeuvre de fabriques. Jusqu'alors, une rupture dans l'approvisionnement était peu coûteuse car le capital mis en oeuvre par le marchand (qui assurait à la fois la vente et l'organisation de la production) était peu important. Mais l'apparition des fabriques multiplie le nombre de biens dont il faut à tout prix assurer la continuité de l'approvisionnement, transformant le travail en marchandise.



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Date :

12/01/2011


Langue :

Français


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8


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