À rebours de Huysmans (Fiche de lecture)

Se démarquant sur tous les points, À rebours est un antiroman presque sans intrigue. Il se penche sur l'isolement volontaire, qui finit par dégénérer en insupportable névrose, de des Esseintes, un aristocrate blasé, misanthrope et excentrique, aux gouts et tendances délibérément hors norme car il hait et fuit la norme.

La vie du duc Jean Floressas des Esseintes, un jeune homme nerveux, dernier survivant d'une famille tombée en dégénérescence, est relatée depuis son enfance morne jusqu'à ses débauches orgiaques de jeune adulte l'ayant prématurément blasé et usé, en passant par l'intermède plus heureux de son éducation chez les Jésuites. Déçu et dégouté des hommes, il se retire dans une maisonnette isolée de province dont il fait son havre coupé du monde.

Quelques excentricités passées de des Esseintes, comme donner un fastueux repas de deuil pour " une virilité momentanément morte " (50), sont évoquées. Cependant, il ne cherche désormais plus à paraitre, mais à s'aménager un confort personnel, loin de Paris. Il décore son intérieur avec raffinement, passant méticuleusement en revue les couleurs qui s'accorderont bien à sa vie nocturne et aux lumières artificielles et disposant un ameublement subtilement étudié.

Ayant récupéré du château de son enfance le couple de vieux domestiques, des Esseintes s'organise pour qu'ils le dérangent le moins possible. Il fixe définitivement les horaires et menus saisonniers de ses repas frugaux. Sa salle à manger a été aménagée en cabine de bateau factice, ce qui rappelle son mépris des voyages réels. Il préfère en effet voyager par l'imagination : " l'artifice paraissait à des Esseintes la marque distinctive du génie de l'homme " (62).

Les gouts de des Esseintes en littérature latine sont détaillés de long en large. Il n'apprécie guère les auteurs du Grand Siècle, tels Virgile, Ovide, Horace et Cicéron, trouvant leur langue " débilitée " (64), trop prévisible et pompeuse ; il préfère les oeuvres témoignant de la décadence, tel le Satyricon de Pétrone, la littérature chrétienne du IVe au IXe siècle et de nombreux auteurs obscurs employant un latin faisandé.

Pour mettre en valeur un tapis d'Orient, des Esseintes a acquis une tortue dont il a fait dorer et sertir de joyaux la carapace. Placée sur le tapis, la tortue en rehausse les couleurs par ses mouvements. Ayant contemplé son oeuvre, il prend un whisky avec son " orgue à bouche " (83), un dispositif ingénieux lui proposant une véritable symphonie de spiritueux. Plus tard, voulant effacer un souvenir sinistre évoqué par le parfum du whisky, il cherche sa tortue et la trouve morte dans sa carapace flamboyante.

Ce chapitre décrit les préférences picturales de des Esseintes, des peintures évoquant le rêve et l'imaginaire, loin des tableaux réalistes de son époque : les représentations fascinantes de Salomé par Gustave Moreau, les dessins torturés de Rodolphe Bresdin et Jan Luyken, les peintures fantastiques d'Odilon Redon. Certains tableaux ornent sa chambre, dont le décor luxueux a pourtant pour but de donner l'illusion d'une cellule monacale.