Nature & Découvertes : comment mettre le lien social au centre du modèle d'entreprise ?

Aujourd'hui, on a une chance formidable, on a une chance dans notre malchance : on est dans un monde qui est en train de finir alors c'est extrêmement stressant pour tout le monde. On ne voit que les côtés négatifs, c'est-à-dire la fin de la société industrielle et du monde moderne, ou comme Jean-Claude Jancovici l'explique, la fin du pétrole, de l'énergie et des matières premières, et tous les désordres qui vont avec. Soit on peut désespérer, soit on peut penser que c'est une chance extraordinaire car sur les décombres de ce monde, il va falloir construire quelque chose de nouveau. C'est ce monde de demain qu'il est intéressant de bâtir : quelles sont les nouvelles valeurs, les nouveaux besoins, les nouvelles idées qui vont sortir de tout cela ? Au-delà de ce monde moderne, On parle aujourd'hui de créer un monde transmoderne, qui serait beaucoup plus basé sur le lien, les valeurs humaines, l'équilibre, les valeurs beaucoup plus philosophiques et spirituelles et dans lequel le matériel serait moins important. La société de consommation, qui signifie qu'on achète que de la matière et des objets qui ne sont qu'utilitaires est sur ses derniers jours.

Le développement durable, notion dont on ne parle que depuis trois ans, notamment par réflexe par rapport à un danger, ne représente que le départ de l'invention d'un nouveau monde dans lequel il y aura beaucoup moins de matière, d'énergie et beaucoup plus d'humain et de nature. Je dirais que tout ce que vous apprenez maintenant sera bientôt obsolète. C'est dommage pour les professeurs de comptabilité par exemple. En comptabilité, vous apprenez aujourd'hui toujours la comptabilité financière. Or, elle ne donne qu'un aspect du problème. Dans les dix ans à venir, nous aurons au moins deux types de comptabilité par rapport à la comptabilité actuelle. La comptabilité écologique comptabilisera pour chaque acte effectué l'impact pour la Planète en termes soit de CO2, soit de matière utilisée. Nous l'avons fait dans notre entreprise en calculant tout le CO2 que dégage notre activité et nous donnons nos informations à des groupes comme KPMG. Nous avons notre responsabilité par rapport à notre impact sur la Planète de façon à nous mettre en équilibre par rapport à notre empreinte écologique. La seconde comptabilité qui va se développer est celle du bonheur humain. On parle aujourd'hui de moins en moins du PNB et de plus en plus du BNB. Le PNB, le Produit National Brut, cela signifie que vous achetiez un tank ou une ambulance, cela est comptabilisé de la même manière. Pourtant, cela n'a pas la même valeur du point de vue de la qualité de la

vie sur Terre de construire un hôpital ou un char d'assaut. Il faut donc réfléchir à un nouveau style d'indicateur qui va calculer les véritables aspirations des hommes, au bonheur, à la croissance, à être ensemble, à se développer. On a commencé à le faire avec des indicateurs de bien-être des personnes qui travaillent dans notre entreprise, avant de calculer le bien-être que nous apportons à nos clients. La véritable réussite d'une entreprise dans la société de postconsommation de demain est de répondre à ces trois critères : apporter du bien être autour de nous, être en phase avec la Planète, et bien évidemment réussir économiquement, mais en nous permettant de bien réaliser les deux autres objectifs de notre activité.