Responsabilité sociale des entreprises : qui compte ? des rapports et des règles…

Publié par : Economist

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Sont donc visés classiquement les problèmes d'inégalités professionnelles et de revenus, d'exercice des droits du travail, de conditions de travail, etc., mais aussi les problèmes posés par l'action de l'entreprise sur la sécurité internationale [Wolf et alii : 2007], sur la protection des cultures indigènes, sur les effets environnementaux directement liés à l'activité de l'entreprise (consommation énergétique, pollution...) ou plus généraux (changement climatique, ...), etc. Certains préfèrent écrire " RSEE " pour distinguer enjeux sociétaux et environnementaux mais je m'en tiens ici à l'écriture la plus courante (" RSE ").


Cette question n'est donc pas nouvelle mais elle a pris une acuité particulière dans le contexte de la mondialisation : d'une part celle-ci a modifié les rapports entre " perdants " et " gagnants " et déstabilisé ainsi les compromis nationaux sur la répartition et la redistribution de la valeur ajoutée ; d'autre part la transnationalisation pose des problèmes inédits de management quant à la mobilisation du travail et du capital à une échelle multinationale, et in fine de valorisation marchande de la production. Se repose donc, à la fois au niveau microéconomique et macroéconomique, la question de la valeur sociale des personnes à travers les biens vendus et achetés, produits avec le travail de ces personnes.


Cette question est la plus cruciale pour une économie de marché qui voudrait faire oublier que " l'objectivation de la valeur abstraite [des biens et des personnes] ne préexiste pas aux échanges marchands mais qu'elle en est l'enjeu le plus fondamental " [Orléan : 2008]. Qu'il s'agisse de " commerce équitable " ou de " responsabilité sociale d'entreprise " et plus généralement de " développement durable ", la question explicite est celle de la valeur sociale reconnue aux personnes à travers la fixation de valeurs monétaires en économie de marché (prix, salaires, prestations, etc.).


Cet approfondissement de la division sociale du travail au niveau du gouvernement de l'entreprise diffuse brutalement les responsabilités et la sanctionnabilité économique et juridique de l'employeur, en même temps que s'affaiblissent les recours à l'Etat-providence, comme l'exprime entre autres le débat sur les effets de l'ouverture internationale sur les inégalités domestiques [Krugman : 2008 ; Moreau : 2006]. Mais comme pour tout processus de crise, l'issue dépendra de nouveaux compromis institutionnels, pour partie produits de hasards historiques et pour partie d'actions planifiées sur lesquelles chaque acteur tente de peser, malgré l'incertitude plus ou moins radicale dans laquelle il se trouve quant aux issues souhaitables et possibles (corollaire de la multiplicité des équilibres et régimes constatée dans le cadre de modèles néoclassiques en concurrence imparfaite ou des modèles institutionnalistes de " variété des capitalismes ").


Non pas au sens d'une harmonie réalisée, mais dans la mesure où ils parvenaient après-guerre à entretenir l'espoir généralisé d'une réalisation des projets personnels. La spécialisation du travail ne s'oppose pas donc pas à l'intégration sociale, comme l'a bien vu Durkheim [1893], mais elle requiert la médiation d'institutions adéquates à une telle organisation sociale.


Qui est un jeu de puissances relatives : une ressource de puissance ne vaut qu'en rapport avec une règle du jeu (par exemple la puissance physique est valorisée et développée dans un sport de combat, mais disqualifiée dans un débat politique) ; et un enjeu décisif consiste donc à modifier les règles du jeu pour disqualifier les ressources de puissance les plus spécifiques, plus difficilement reconvertibles dans un autre système de jeu (par exemple, un code d'honneur dans un monde de libre compétition).


Le développement du champ de la RSE a ainsi obligé à repenser et argumenter la question de l'articulation entre valeurs sociales incommensurables (en particulier les rapports entre valeurs de liberté, de justice et d'utilité). Pour certains promoteurs de la RSE et du développement durable, l'efficacité économique est positivement corrélée à la justice sociale et à la performance environnementale. À la suite de Keynes par exemple, d'autres contestent une telle corrélation mais, tout en assumant la primauté de l'efficacité et de la liberté économique, estiment que les valeurs de justice imposent des limites au jeu de la libre concurrence. Mais dans ces différentes approches, la hiérarchie des valeurs est donnée, à partir d'un choix personnel ou comme donnée universelle sans que cela soit explicité.



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Date :

03/02/2011


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Français


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Résumé

Auteur : Jean-Pierre Chanteau


Tags : Article de recherche, Economie
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