Les mondes de la finance. Outils d'analyse et logiques d'investissement |
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Publié par :
Economist
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Les mondes de la finance. Outils d'analyse et logiques d'investissement - Disponible sur l'archive ouverte pluridisciplinaire HAL.
Eric Brian et Christian Walter (2008) montrent que la folie dont sont accusés certains spéculateurs est bien une conséquence des catégories inappropriées avec lesquelles les théoriciens de la finance pensent la rationalité et l'organisation des marchés financiers. En outre, ces catégories sont solidaires d'outils mathématiques et statistiques utilisés pour modéliser les marchés. Selon Brian, Walter et les auteurs qui s'inscrivent dans cette perspective, les fondations gaussiennes des modélisations classiques des marchés financiers contraignent ceux qui les emploient à ne considérer les bulles et les krachs que comme des phénomènes marginaux, et à envisager le risque comme une cascade de résidus. Voilà qui invite à étudier le rapport qu'entretiennent avec la rationalité les outils cognitifs que manipulent les acteurs de la finance.
De fait, les activités de la finance ordinaire, c'est-à-dire celles par lesquelles on vise un profit en investissant sur les marchés financiers, sont un domaine privilégié pour étudier la rationalité. La finance contemporaine, et la gestion de portefeuilles notamment, ont pour particularité d'être des univers de travail dans lesquels le calcul occupe une place importante, même si la prégnance de cette forme de raisonnement n'est pas aussi évidente en toute occasion. Bien que tous n'aient pas à réaliser individuellement et sans arrêt des opérations de calcul, le travail des gérants d'actifs se déploie dans un réseau d'agents qui mettent en oeuvre des procédures soutenues par de telles opérations. Il est donc légitime de prendre le calcul financier pour objet sociologique et de montrer comment le calcul participe d'un effort de compréhension du monde et de justification des décisions. Ce sera l'occasion de mettre en évidence un certain nombre de dispositifs de rationalisation, de décision et de représentation du monde en général.
Ces objets, sont très variés. Nous les appellerons outils cognitifs lorsqu'ils sont simples et qu'on s'intéresse à leur influence sur les raisonnements, ou instruments symboliques lorsqu'ils sont plus complexes et qu'on veut insister sur un effort de représentation de la réalité. Nous désignons ainsi non seulement les objets mathématiques, les outils de calcul et les concepts mais aussi l'ensemble des artefacts qui contribuent à structurer les représentations du monde. Les documents écrits, en tant que tels, sont des outils cognitifs dans la mesure où ils permettent la juxtaposition spatiale, et que, comme l'a montré Jack Goody (1979), la constitution de listes et de tableaux favorise le développement de la critique et oriente les manières de raisonner dans le sens d'une accumulation du savoir. Dans le domaine de la finance, les écrans d'ordinateur (Knorr-Cettina et Brueger, 2003), les systèmes d'information et les programmes de cotation (Muniesa, 2000, 2003) appartiennent au groupe des outils cognitifs : ils peuplent un univers structurant dans lequel pensent et agissent les acteurs financiers. Par exemple, c'est grâce à l'introduction d'outils comme le ticket qu'a pu se développer l'idée selon laquelle les cours boursiers véhiculent de l'information (Preda, 2003).
Le programme de recherche dans lequel s'inscrit le présent exposé se développe depuis une dizaine d'années dans le cadre de ce qu'on appelle les études sociales de la finance. On regroupe sous cette appellation un certain nombre de travaux non exclusivement sociologiques, anthropologiques, économiques ou historiques qui ont en commun de fournir un éclairage pluridisciplinaire sur les phénomènes financiers, et qui insistent notamment sur les formes empiriques de rationalité. Ainsi, pour n'en citer que quelques-uns, Olivier Godechot (2000, 2001) as-t-il montré que les raisonnements adoptés par les travailleurs des salles de marché pour réaliser un profit pour leur entreprise résultaient d'une actualisation stratégique de dispositions acquises. Yamina Tadjeddine (2000, 2008) et André Orléan (1999) ont expliqué quels sont les logiques qui sous-tendent différentes stratégies d'investissement rationnelles en finalité (fondamentale, stratégique, conventionnelle).
Pierre Hassoun (2000a, 2000b) a exploré des pratiques professionnelles apparemment irrationnelles mais dont les effets sont fonctionnels sur les marchés à la criée du Matif et du Monep. Daniel Beunza et David Starck (2003) ont montré comment les dispositifs organisant le travail dans les salles de marché permettent aux arbitragistes de réaliser des profits que n'auraient pu réaliser des acteurs certes rationnels mais isolés. Ezra Zuckermann (2004) explique certains mouvements de prix sur les marchés d'actions par les interactions entre les catégories utiliser pour classer les entreprises et la division sociale du travail d'analyse financière. Enfin, Donald Mac Kenzie (2006) a cherché à comprendre les mécanismes de performativité des théories financières.
C'est à une étude des relations qu'entretiennent les pratiques de la finance avec les outils cognitifs qu'invite le présent exposé. Nous nous intéresserons à des outils de gestion de portefeuille, en particulier à des outils d'analyse et d'évaluation de fonds. Nous étudierons ces traces matérielles comme autant d'indices des actions sociales effectuées dans les sociétés de gestion d'actifs. Comment les acteurs de la gestion interagissent-ils avec les instruments symboliques qui les entourent ? Nous nous efforcerons de montrer qu'ils sont solidaires de manières de pratiquer la gestion et nous chercherons comment ils informent et convainquent les acteurs impliqués dans la gestion.
Dans une première partie, je présenterai le terrain où j'ai travaillé et la méthodologie utilisée pour produire les résultats que j'expose. (ii) En deuxième lieu, je décrirai les outils utilisés par les multi gérants étudiés et comment ces instruments construisent un ordre rationnel dans lequel se déploie l'activité des analystes gérants. Nous étudierons la manière dont les gérants résolvent la question " qu'est-ce qu'un bon gérant de portefeuille ? " quand ils analysent des fonds sous-jacents aux fonds de fonds qu'ils constituent. (iii) Dans un troisième et dernier temps, je m'efforcerai de montrer que des régimes de rationalité sont associés aux outils de gestion, que ces outils se révèlent donc solidaires de pratiques financières que déploient des acteurs placés dans des situations différentes.
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