La sous-traitance comme moyen de subordination réelle de la force de travail

Publié par : Economist

La sous-traitance comme moyen de subordination réelle de la force de travail - Disponible sur l'archive ouverte pluridisciplinaire HAL.


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Pour expliquer ce phénomène, il est très fréquent d'évoquer l'instabilité croissante de l'environnement économique dans lequel les entreprises évolueraient aujourd'hui. Pourtant, les calculs que nous avons effectués ne permettent pas de donner un crédit important à cette thèse : les entreprises substituent de manière croissante une relation commerciale à du travail direct, mais ceci ne résulte pas d'un besoin accru de flexibilité dans la gestion de la main-d'oeuvre qui découlerait des fluctuations de l'activité.


Nous avons proposé une première interprétation de ce phénomène dans un article (N. Thèvenot, B. Tinel, J. Valentin, " État social et sous-traitance. Quelles transformations des dépendances dans le travail ? ") présenté au colloque État et Régulation Sociale. Comment penser la cohérence de l'intervention publique?, 11-13 sept. 2006 à INHA, organisé par le Matisse.


Voir graphique 1 en annexe. Pour une description statistique du phénomène à partir d'une base de données construite sur les Enquêtes Annuelles d'Entreprises sur la période 1984-2003 et regroupant les entreprises industrielles de 20 salariés et plus, cf. C. Perraudin, N. Thèvenot, J. Valentin, " Sous-traiter ou embaucher ?


La sous-traitance n'est pas nouvelle, et elle est classiquement interprétée soit comme une sous-traitance de spécialité, soit comme une sous-traitance de capacité. Dans le premier cas, l'entreprise donneur d'ordres ne dispose pas en interne des compétences particulières requises pour répondre à sa croissance ou aux transformations de l'organisation du travail, et cette ressource n'est pas offerte sous forme standardisée. Elle fait alors appel à une entité extérieure capable de produire pour elle du " sur mesure ". Dans le cas de la sous-traitance de capacité6, où une entreprise achète un bien ou un service qu'elle produit déjà, l'externalisation a lieu parce que l'entreprise peut acheter à une autre entreprise ce bien ou service dont la production requiert des compétences non spécifiques pour un prix plus faible. L'offreur est compétitif car son échelle de production est plus importante que celle du demandeur et il est plus avancé que lui dans la subordination réelle de sa main-d'oeuvre sur ce segment de production. La standardisation est alors permise par l'existence de débouchés importants dans les autres branches de l'économie. Ces deux explications, fréquemment avancées pour expliquer pourquoi une entreprise sous-traite certaines activités à une autre entreprise, ne permettent pas de rendre compte de l'essor considérable de ce phénomène en France depuis vingt ans. À moins de céder à un certain technologisme qui nous ramènerait à la première explication, invalidée par nos tests économétriques, on ne voit pas pourquoi les entreprises auraient subitement eu un besoin accru de sous-traitance de spécialité et de capacité. Ces éléments jouent sans doute aujourd'hui, mais pas davantage qu'il y a trente ou quarante ans.


Nous proposons une autre explication de l'essor de la sous-traitance à partir des notions de subordination formelle et réelle élaborées par Marx dans le Chapitre inédit du Capital. Au regard de l'histoire de l'économie française, la montée récente de la sous-traitance traduirait un moment bien particulier de l'histoire de la subordination de la main-d'oeuvre au capital : elle constituerait l'une des modalités par lesquelles celui-ci cherche à contourner un certain nombre de protections instituées de haute lutte par le salariat. Il s'agirait, dès lors, non pas d'un phénomène nécessaire en soi pour répondre à des exigences imposées également à tous les acteurs en présence par la " nature " économique, mais d'une modalité très contemporaine de la lutte des classes, mettant en jeu des intérêts identifiables et antagoniques.



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Date :

03/02/2011


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Français


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9


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Auteur : Bruno Tinel, Corinne Perraudin, Nadine Thèvenot, Julie Valentin


Tags : Article de recherche, Economie
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