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Sens et contresens dans la jurisprudence relative aux droits de l'homme dans l'entreprise |
Publié par :
Economist
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Sens et contresens dans la jurisprudence relative aux droits de l'homme dans l'entreprise - Disponible sur l'archive ouverte pluridisciplinaire HAL.
L'idée est en effet venue d'user de la problématique des droits de l'homme non plus comme une protection contre un pouvoir subi, mais dans l'objectif de renforcer ou de protéger un pouvoir constitué. Cette stratégie n'a pas été totalement dénuée de séduction sur les juridictions françaises. Le Conseil constitutionnel a invalidé une loi limitant le droit de licencier de l'employeur, au nom de la liberté d'entreprendre 11. Et le pouvoir de direction de l'employeur a pu être présenté par la Cour de cassation, dans un arrêt du 13 juillet 2004, comme découlant directement de cette même liberté d'entreprendre12. Ce dernier arrêt est cependant resté isolé et le glissement du Conseil constitutionnel n'a eu que des effets relativement modérés. Les dérives les plus inquiétantes
Cour condamne l'exercice du droit de grève au nom des libertés fondamentales de l'employeur. Dans l'arrêt Viking, la grève s'analyse comme une restriction injustifiée au libre choix du pavillon, lequel découle de la liberté d'établissement14. Dans l'arrêt Laval, il s'agit d'une restriction injustifiée à la libre prestation de services15. Dans ces affaires, non seulement les employeurs ont invoqué efficacement leurs droits fondamentaux contre leurs subordonnés pour sacraliser leur pouvoir, mais ils ont réussi, par ce biais, à prohiber l'exercice par les salariés d'un droit fondamental. Par des raisonnements similaires, la Cour de justice de l'Union a encore pu condamner des États pour avoir voulu faire appliquer leur droit du travail aux salariés détachés travaillant sur leur sol. Cette fois, ce sont des limitations du pouvoir, qui ont été jugées contraires aux droits fondamentaux des chefs d'entreprise.
En plus de leur rôle de protection des personnes contre les empiétements du pouvoir, les droits fondamentaux se voient ainsi chargés de protéger le pouvoir contre les personnes qui lui sont soumises. Siéyès disait, à propos des droits de l'homme : " l'acte par lequel le fort tient le faible sous son joug, ne peut jamais devenir un droit "17. Ce mot est directement contredit par la jurisprudence récente. Pareil retournement peut susciter un brin d'effroi. Il peut aussi susciter plusieurs réactions doctrinales.
Le premier, éventuellement teinté de réalisme ou de scepticisme, tire argument de cette évolution pour affirmer que les énoncés abstraits que sont les droits de l'homme n'ont guère de signification en eux-mêmes. Il est effectivement facile de remarquer que tout et son contraire est dit en leur nom. Et l'observateur habitué à la manipulation des énoncés juridiques pourrait facilement se laisser tenter par ce découragement. Au demeurant, ce n'est pas la première fois que des droits de l'homme sont mobilisés pour prohiber la limitation du pouvoir ou la résistance au pouvoir. Entre 1905, date de l'arrêt Lochner, et 1937, la Cour suprême des États-Unis a invalidé au nom de la liberté de contracter plus de deux cents lois sociales qui tentaient d'imposer des limites à la durée du travail, des régimes de responsabilité sans faute en matière d'accident du travail ou bien encore des salaires minimaux18. Cette jurisprudence Lochner bloqua ainsi l'avènement d'un droit social aux États-Unis pendant plusieurs décennies. Sa résurgence montante au sein de la Cour de justice de l'Union incite à ne plus voir dans les énoncés juridiques qu'un très vague cadre, assez peu contraignant, au sein duquel les juges peuvent exprimer assez librement leurs idéologies.
Une deuxième réaction possible est à craindre. La jurisprudence Lochner fut en France un argument central pour réactiver la crainte d'un gouvernement des juges et défendre la limitation du pouvoir judiciaire en général et du contrôle de constitutionnalité en particulier. Cette position fut notamment défendue, avec une grande force de conviction, par Édouard Lambert et Jacques Maury20. L'ancienneté de l'abandon de la jurisprudence Lochner et la croyance un peu naïve en un sens de l'Histoire ont contribué à l'apaisement des esprits.
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