De l'enfer au paradis : l'imaginaire du travail hier et aujourd'hui

Notre démarche est hypothético-déductive : à la suite de la formulation de la question et de l'hypothèse de recherche, nous commencerons par préparer le travail d'enquête en établissant, avec le plus de précision possible, le cadre théorique de notre recherche, sollicitant en cela des références multiples. A la suite de ce travail exploratoire, nous confronterons l'hypothèse a priori aux résultats de l'enquête, ce qui nous permettra de statuer quant à la question posée.

Nous postulons qu'il existe plusieurs modalités de rapport au travail, qu'il est possible de regrouper en trois grands idéaltypes : le travail-enfer, le travail-purgatoire et le travail paradis ; notre hypothèse est que l'idéaltype aujourd'hui prédominant chez les cadres est le travail-paradis.

Nous n'entendons nullement par-là que cet idéaltype exercerait une domination hégémonique, totale, et définitive : la diversité des situations vécues comme celle des opinions nous incite à la prudence. Cette hypothèse est formulée principalement parce qu'elle représenterait l'aboutissement logique d'un processus historique, propre à l'Occident, de

La bibliographie fournie à la fin de ce document permettra au lecteur de prendre connaissance des auteurs et des ouvrages qui nous ont guidé dans notre réflexion théorique sur " l'imaginaire du travail " et sur l'émergence d'une représentation dominante, que nous appelons travail-paradis. Parmi ces références, on retrouvera essentiellement les philosophes André Gorz et Hannah Arendt, les sociologues Dominique Méda et Christian Baudelot, l'économiste Serge Latouche, ou encore l'écrivain Ernst Jünger, mais également un certain nombre d'ouvrages complémentaires.

Dans Par-delà bien et mal, Nietzsche affirme que l'homme contemporain " porte dans sa chair l'héritage d'une ascendance hybride, c'est-à-dire des instincts et des normes de valeur contradictoires, et souvent plus que contradictoires, perpétuellement en lutte, et qui ne lui laissent que rarement le repos " (Nietzsche, 1991 [2], Cinquième partie : " Contribution à une histoire naturelle de la morale ", § 200). Appliquée spécifiquement à la question du travail, cette proposition revêt une pertinence particulière : tout indique, en effet, qu'une certaine confusion axiologique entoure aujourd'hui cette notion.

L'imaginaire du travail, c'est-à-dire l'ensemble des représentations, des idées et des normes de valeur ayant trait au sens et à la valeur qu'on associe au travail, est en effet riche d'une histoire heurtée et contradictoire, qui a laissé en héritage à notre monde ses hésitations. L'exploration de cette histoire nous amène à construire et proposer une typologie des grands modes de " rapport au travail ". Nous pouvons en effet émettre l'hypothèse qu'il existe trois grandes manières de valoriser le travail :