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Le cur des enfants léopards de Wilfried N'Sondé (Fiche de lecture) |
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lePetitLitteraire.fr
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Fiche de lecture Le c?ur des enfants léopards de Wilfried N'Sondé. L'évocation de l'Afrique est partie prenante de la réflexion sur l'identité. L'Afrique est une partie d'eux-mêmes que Drissa ou le narrateur ne parviennent pas à maitriser et cherchent à (re)saisir. C'est tout à la fois un espace géographique, des cultures et des identités, une histoire et une idée. On peut distinguer trois perspectives
Ces " éclats de vie " (p. 12) sont entrecoupés de considérations sur la vie en banlieue et sur l'Afrique, d'accusations contre les préjugés liés à la banlieue et à la population issue de l'immigration, d'adresses invectives au Capitaine et au psychiatre, tendres et amères à Mireille, douces à Drissa. Le monologue du jeune homme s'interrompt à deux reprises (le lecteur quitte ses pensées et son point de vue) ; la première, lorsque s'exprime un policier raciste et désabusé par son travail, la seconde lors de la description de Pascal Froment, qui quitte son domicile et sa femme enceinte pour rejoindre le commissariat et partir en patrouille, en compagnie de son coéquipier, peut-être le policier dont on a pénétré les pensées quelques pages plus tôt.
Puis, à l'occasion d'une douche vivifiante, le jeune homme reprend complète possession de lui-même et ses idées s'éclaircissent. Le récit des évènements qui l'ont conduit en prison se déroule alors avec précision, et les différentes images et évocations se remettent en ordre. Son grand amour, Mireille, l'a quitté l'avant-veille, bien décidée à se rendre en Israël. Juste avant, il avait rendu visite à son ami Drissa, qui lui avait raconté l'étrange relation amoureuse qu'il avait entretenue avec la mère de Mireille, à l'âge de 15 ans. Désespéré, le narrateur a rejoint Ludovic, un ami du quartier. Ensemble, ils ont écumé les bars de la capitale, puis ont participé à une soirée très arrosée où le narrateur, sous l'effet de l'alcool, a fait un esclandre. Ivre mort, il s'est élancé dans la rue et a uriné contre une voiture de police. Sans se méfier, le policier Pascal Froment, accompagné de son coéquipier, est sorti de la voiture. Dans une rage folle et sans cause apparente, le narrateur lui a fracassé le crâne contre le sol et l'a roué de coups.
Celui que l'on désignera comme le narrateur, car il prend en charge la majeure partie du récit des évènements-tout passe au crible de sa subjectivité -, est le jeune homme placé en garde à vue après avoir agressé à mort un policier sous l'effet de l'alcool. D'origine congolaise, arrivé en France à l'âge de 5 ans, il a grandi en banlieue parisienne, puis a réalisé des études universitaires à Paris. Ces caractéristiques le rapprochent de l'auteur, qui est lui-même originaire du Congo et a suivi le même parcours. Wilfried N'Sondé s'inspire donc de sa propre expérience pour créer son personnage, s'engageant ainsi fortement dans son texte.
Le roman est construit autour du narrateur, de ses états d'âme et de ses souvenirs. Sa progressive remémoration s'accompagne d'une progressive affirmation de lui-même, qui culmine à la fin du roman, quand, s'identifiant au léopard, il dit au Capitaine : " J'ai l'instinct de la brousse, je fleuris, me régénère sans fin, j'ai le coeur de la jungle. Je porte bien cachée au fond de ma poitrine une force que tu ne soupçonnes pas. Une fournaise aux ressources infatigables, avec son aide, j'apprends de nouveau à m'orienter, c'est la sagesse des défunts. " (p. 130) En parcourant sa vie, en voyageant à travers le temps par le biais de l'ancêtre, il rassemble les fragments éparpillés de son moi, explore l'histoire, les problèmes de société et d'identité avec un regard amer et révolté. S'adressant au Capitaine ou au psychiatre, il tente de bouleverser leurs certitudes et leurs préjugés, de les pousser à voir derrière l'acte criminel l'étendue de sa souffrance et la complexité de ses sentiments. Son discours prend la forme d'un plaidoyer. Paradoxalement, son état d'ébriété et de confusion lui confère une clairvoyance particulière (" J'ai la clairvoyance de ceux qui sont perdus. ", p. 41) sur lui-même, sur la génération à laquelle il appartient, sur ses rêves brisés, sur l'état du tissu social, sur le racisme latent dans la société.
Avec nos gueules à ne pas être comme les autres, Drissa et moi resterons debout ! Ensemble nous continuerons à nous étirer, toujours plus grands et agiles, merveilleux, étranges, extraordinaires. Je lui prendrai la main pour parfaire le grand écart, celui que nous tissons entre les continents, les mondes et aussi le temps (...) À partir d'aujourd'hui, nous résisterons aux questions, aux armes, et aux médicaments ! T'auras pas ma peau mon capitaine, non, ni les juges, ni Mireille, ni personne ! (p. 130)
L'ancêtre est à la fois un ancêtre, l'esprit des défunts et sans doute le grand-père du narrateur, vêtu d'un " costume bleu foncé ", " toujours nu-pieds " (p. 13). Artisan de l'Indépendance, désillusionné de la " parodie démocratique " qui a suivie, il " a essayé " mais ses " rêves se sont brisés " (p. 102). Le narrateur le représente le regard halluciné, l'esprit ailleurs, comme s'il se trouvait loin, comme un " enfant distrait, occupé à repérer dans les airs ces entités immatérielles qui nous emboîtent le pas au quotidien " (p. 48-49). Le narrateur entend sa voix dans sa tête, sent son regard sur lui (" Tu m'épies à distance, en suspens dans l'atmosphère ", p. 40). Il représente son lien avec le Congo, un lien identitaire, mémoriel, garant d'une intégrité culturelle. L'ancêtre prononce des paroles de sagesse ancestrale, profondes et rassurantes (" Apprends à sentir le monde, donne-lui toujours le meilleur de toi-même.
Mords sans retenue. La peur, tu la laisses loin derrière toi, elle passe en toi et puis s'en va. ", p. 12) et raconte des histoires (" Sache que les léopards furent les maîtres du pays longtemps avant nous... ", p. 14) qui sont comme une ligne de conduite, un sursaut de dignité au milieu de la déchéance physique et morale du narrateur.
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