La Duchesse de Langeais de Balzac (Fiche de lecture)

Montriveau renonce finalement à son acte de vengeance et quitte la duchesse sans un mot. La jeune femme est métamorphosée : elle souhaite tout perdre, tout sacrifier et tout donner comme preuve d'amour, quitte à se compromettre puisque " la femme qui aime se marque toujours elle-même " (p. 182). Elle fait circuler dans la ville une fausse rumeur qui fait grand bruit, selon laquelle elle aurait passé la nuit chez son amant. Sa famille tente de la ramener à la raison et de la sauver du déshonneur public, mais la duchesse souhaite au contraire s'humilier pour convaincre le général de son amour. Elle lui envoie des lettres qu'il ne décachète pas. Désespérée, elle lui écrit une dernière fois : elle promet de s'offrir à lui pour toujours et lui donne un rendez-vous ; s'il refuse, elle se retirera définitivement du monde. Montriveau est toujours épris et accepte de pardonner à la duchesse, mais, retardé malgré lui par une conférence, il manque le rendez-vous. La duchesse de Langeais, qui se croit délaissée par son amant, disparait du monde et demeure pour tous introuvable.

L'histoire reprend en 1823, à la suite de l'entretien entre Montriveau et la duchesse devenue soeur Thérèse. Le général a su lire toute l'émotion qui paraissait sur le visage de son ancienne maitresse et ne peut accepter qu'elle sacrifie leur amour à Dieu. Maintenant que le duc de Langeais est mort, les deux amants sont libres de s'unir. Montriveau organise donc l'enlèvement de soeur Thérèse : assisté dans son entreprise par ses amis dévoués, il décide de rejoindre le couvent en pirogue. Mais lorsqu'une nuit, il parvient enfin à se hisser jusqu'à la cellule de soeur Thérèse, il trouve la religieuse inerte sur son lit. Il emporte le corps de la morte et décide, avec ses compagnons, de le jeter à la mer " car ce n'est plus qu'un poème " (p. 241).

De son vrai nom Antoinette de Navarreins, elle est mariée au duc de Langeais bien qu'elle vive séparée de lui et dispose librement de son coeur. Lors de sa rencontre avec le général de Montriveau, elle est âgée de vingt-deux ans et remplit sa vie par les bals, les soirées et le paraitre mondain du faubourg Saint-Germain.

Un portrait physique et moral est ébauché au début du chapitre II (p. 87-95). Jeune femme pleine de contradictions, elle est présentée selon un schéma dual : elle est tout d'abord mondaine, sachant déployer ses charmes en société et régner par coquetterie. C'est une femme dont l'éclat n'est réel que s'il est admiré. Elle se plait à séduire quelques jeunes hommes avec indifférence et l'idée de les savoir conquis suffit à la satisfaire. Mais elle présente également une aspiration poétique, un élan vers le sublime, qui ne peut aboutir car il reste contrôlé par le regard de la société. Ainsi, Antoinette est un personnage contradictoire qui s'inscrit dans un cadre social inamovible et demeure en quelque sorte prisonnière de sa caste.

Mais la duchesse de Langeais évolue au fil du roman : si elle est fidèle à son portrait dans tout le chapitre II et qu'elle se comporte en coquette avec Montriveau, elle est métamorphosée par l'amour à partir du chapitre III. Les simulacres mondains disparaissent alors, laissant une jeune femme honnête, aimante, prête à se perdre et à abandonner le monde auquel elle a jusqu'alors consacré sa vie. Madame de Langeais finit par échapper au carcan social en renonçant à sa caste.