Pourquoi les incendies de forêts sont-ils si meurtriers ?

L'un des pompiers décédera deux mois plus tard, à l'hôpital de Montpellier. Les autres, protégés par le flanc de leur camion, ont vu passer sous la carrosserie " un jet de flammes semblable à celui d'un chalumeau ", qui les a brûlés aux jambes. On notera qu'ils se tenaient éloignés du front du feu, hors de leurs véhicules et tous plus ou moins bien abrités.

Ces victimes ont subi le souffle et la chaleur intense d'une explosion du gaz émis par les végétaux et des poussières de carbone issues de leur combustion incomplète, en provenance du front des flammes. En Europe, ce phénomène se produit suffisamment souvent pour être à l'origine de la plupart des accidents dramatiques : si les pompiers sont exposés à ces dangers, le public, qui ne les connaît pas, l'est encore davantage !

Le réchauffement de l'atmosphère terrestre pourrait entraîner, à l'avenir, des étés de plus en plus chauds et secs en Europe, donc une fréquence accrue de tels incendies catastrophiques. Il m'a donc paru utile de mieux informer les hommes et femmes qui exposent leur vie dans le combat contre les incendies de végétation. La connaissance du danger permet de le prévoir et de s'en protéger, alors que l'ignorance expose au pire.

On pourrait croire que ces phénomènes sont bien connus ; et pourtant, parce qu'ils sont peu fréquents et que l'on ne dispose guère d'information à leur sujet, ils sont ignorés de la plupart des forestiers et pompiers des pays d'Europe du Sud. Quant aux rares personnes qui les connaissent, elles affirment généralement que " ça ne peut pas arriver ici ". L'exemple de Cazan, et d'autres auparavant, n'ont pas été édifiants, car aucune analyse, semble-t-il, n'a permis de comprendre l'origine de ces drames ni d'apprendre à s'en protéger.

J'ai voulu expliquer ici l'origine, les causes, les effets et les conséquences des phénomènes dangereux, et suggérer des moyens de les prévoir et de s'en protéger quand c'est possible. J'ai exploré une large documentation, mais, bien qu'il existe de rares cas correctement décrits par la presse européenne, je n'ai trouvé d'analyses détaillées que dans les archives de l'Australie et des États-Unis d'Amérique du Nord.

Dans la première partie de cet ouvrage, j'ai décrit une vingtaine d'incendies de forêts caractéristiques. Je pourrais en citer beaucoup d'autres, car ces phénomènes se produisent malheureusement trop souvent. Mais la place manque, et l'important est de tirer de quelques exemples types des enseignements utiles.

Les études de cas survenus en Europe sont plus ou moins bien documentées, car ces incendies n'ont pas donné lieu à des analyses approfondies, ou bien celles-ci sont tenues confidentielles. J'ai donc reconstitué les causes de ces accidents en me basant sur des phénomènes similaires analysés aux États-Unis, ce qui peut rendre la pertinence de mes interprétations sujette à caution. On comprendra qu'il est impossible de refaire l'expérience pour observer en détail tout le déroulement des phénomènes et enregistrer des données. Néanmoins, les survivants ont pu apporter des témoignages précieux, comme à Cazan, même s'il est vrai que ces victimes n'ont pas été en mesure de décrire scientifiquement les phénomènes physiques qu'elles ont observés et subis. En fait, l'intérêt de ces exemples français est surtout de prévenir l'objection " ça ne peut pas arriver chez nous ! ", derrière laquelle certains se réfugient. Hélas ! C'est arrivé chez nous ! Trop souvent !