L'Enfant de Jules Vallès (Fiche de lecture)

Le père est nommé professeur à Nantes. L'idée d'habiter Nantes, près de la mer, réjouit Jacques, qui rêve d'aventure. Malheureusement, le voyage se passe mal et l'arrivée à Nantes met fin aux espoirs de vie nouvelle. La vie familiale est toujours marquée par les mesquineries et les extravagances de la mère. L'enfant se souvient avec émotion et révolte de Louisette, une enfant martyr morte à dix ans des mauvais traitements que M. Bergougnard, un ancien camarade de classe du père, lui a infligés.

Jacques apprend le grec et le latin. Mais, à quatorze ans, il ne se sent pas concerné par les héros de l'Antiquité. Madame Devinol, la mère de l'un de ses camarades et l'épouse d'un homme influent, lui fait découvrir le théâtre. Elle lui fait également des avances, face auxquelles l'adolescent se montre naïf et maladroit. Leur relation est découverte. Pour éviter un scandale, Jacques est envoyé à Paris pour terminer ses études.

Désespéré, il est tenté par une tragique forme de " délivrance " : le suicide. Pour défendre son père, il n'hésite pas cependant à se battre en duel. En surprenant une conversation entre ses parents, il comprend qu'il était aimé, même si son père comme sa mère n'ont jamais vraiment su comment le lui dire. Il a gagné le droit de retourner à Paris et de commencer sa vie d'homme.

Le narrateur décrit peu le jeune homme qu'il était, ou pour faire de lui un portrait peu flatteur (voir § XXIII). Jacques n'en est pas moins présenté comme un jeune homme séduisant. C'est même pour avoir, sans vraiment s'en rendre compte, séduit Madame Devinol qu'il doit quitter Nantes. Il inspire généralement la sympathie à ceux qui comprennent les souffrances qu'il endure dans sa famille.

Jacques Vingtras est en effet un enfant mal aimé et maltraité, auquel n'est jamais reconnu le statut de sujet : il est " le petit Chose " (§ I), la " chose " de sa mère. Même l'obéissance ne le préserve pas toujours de la violence parentale. Dès l'incipit du roman, le narrateur dresse ce constat à la fois comique et amer : " je n'ai pas été dorloté, tapoté, baisotté ; j'ai été beaucoup fouetté. " La tendresse et les plaisirs les plus simples, tels que les jeux ou les bonbons, lui ont toujours été interdits. Son enfance est rythmée par les coups et par les humiliations. Il se sent d'ailleurs solidaire avec tous les opprimés : il ne comprend pas que sa mère lui interdise de faire l'aumône aux pauvres et se verrait volontiers dans la peau d'un " nègre " (§ XV).

Malgré ses souffrances, Jacques n'en aspire pas moins à profiter de la vie. Il est généreux et tourné vers les autres, auxquels il accorde facilement son amitié. Il semble même prêt à pardonner à ses parents : leurs moindres gestes de bonté à son égard l'émeuvent. Élève brillant, il ne comprend pas néanmoins le sens du travail intellectuel que l'école lui impose. Rieur et épris de liberté, il s'épanouit au contact de son oncle Joseph ou à la campagne, dans la nature. Il voudrait être paysan ou ouvrier, et gagner sa vie à la force de ses bras. L'éveil de sa conscience sociale et politique le pousse à vouloir défendre les droits de chacun, et en particulier ceux des enfants (§ XXV).

L'oeuvre montre son cheminement vers sa libération du poids des contraintes familiales. Face à sa mère, à Paris, il reprend le pouvoir sur son existence dans un moment de révolte à la fois violent et parfaitement sincère. Il cesse d'être un objet que sa mère manipule et traite à sa guise pour affirmer ses désirs. Son identité d'adulte, il la construit dans l'opposition la plus absolue à son père, dont il refuse toutes les valeurs. En montrant à ce père qu'il est capable de se battre pour lui, il conquiert définitivement son statut d'adulte. Il a payé sa dette à l'homme qui lui a donné la vie. Il obtient ainsi le droit de retourner à Paris.