La fragmentation des entreprises

L'éclatement de la bulle spéculative en 2001 a été un retour brutal à la réalité pour bien des entreprises et investisseurs. Les perspectives de croissance, les bénéfices futurs, les investissements effectués étaient bien trop exagérés, et les nouveaux modèles économiques ont déclenché un enthousiasme démesuré. Le célèbre adage boursier " les arbres ne montent pas au ciel " s'est une fois de plus vérifié aux dépens des investisseurs trop optimistes. Ce krach boursier qui a vu s'effondrer les valeurs technologiques tant convoitées par les investisseurs n'était pas un simple revirement psychologique des marchés mondiaux mais bel et bien une prise de conscience tardive de la nouvelle donne conjoncturelle. Les lignes de crédit colossales accordées, les introductions sur le premier marché d'entreprises ne répondant pas aux critères de sélection et le recours grandissant à la croissance externe, étaient le symbole d'une euphorie collective passant outre les indicateurs économiques qui étaient au rouge. Ce réveil douloureux signifiait, en effet, beaucoup plus. La conjoncture économique n'était plus la même, la croissance mondiale était ralentie et la visibilité très faible. L'attaque terroriste du 11 septembre 2001 a amplifié la morosité ambiante, le ralentissement économique allait désormais s'accompagner de l'incertitude politique liée aux mouvements extrémistes.

Une réelle remise en question s'est opérée. Il fallait réorganiser des structures qui avaient subi de plein fouet le ralentissement économique et repenser des organisations qui doivent fournir des prestations de plus en plus étendues. Cette rationalisation devenait possible avec l'essor des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Celles-ci permettent aux entreprises d'opter pour de nouvelles structures organisationnelles ; les remaniements vont pouvoir s'opérer dans une optique de rentabilité et de souplesse.

Ainsi cette liberté nouvelle dans l'espace et dans le temps va permettre une transformation des modèles classiques. Le découpage en unités fonctionnelles des structures devient envisageable. Une entreprise d'un quelconque secteur avec, au sein de son siège, plusieurs départements, pouvait voir certains d'entre eux migrer vers d'autres locaux tout en continuant à collaborer étroitement et en préservant leur complémentarité ; les flux d'informations échangés étant similaires, mais empruntant d'autres supports. Les réseaux indépendants et le découpage en unités fonctionnelles des entreprises sont des faits qui ont progressivement pris de l'ampleur suite aux changements économiques et technologiques observés. La fragmentation des entreprises est un phénomène découlant de ces mutations.

Les problématiques de réduction des coûts, ont pris une ampleur particulière suite à l'éclatement de la bulle des valeurs technologiques. Cette époque a été celle du crédit facile. Les start-up n'étaient pas les seules entreprises à bénéficier de lignes de crédit colossales, d'autres entreprises, ne faisant pas partie du secteur des télécoms ou de l'Internet ont également eu recours à des emprunts importants en vue de financer leur croissance externe.

L'après crise s'est caractérisée en Europe par des marchés ternes et des croissances des ventes molles. Ainsi les politiques de réduction des coûts étaient un moyen pour les entreprises endettées de dégager plus de cash, en vue de rembourser leur dette, en dépit de l'évolution de leurs chiffres d'affaires. Le plan TOP de France Telecom résume parfaitement ces préoccupations, les objectifs du plan TOP sont : refonte de la politique d'achats du groupe et réduction de ses charges opérationnelles, telles que les frais généraux, systèmes d'informations...

Le graphique 1 met en évidence la nécessité pour les sociétés de remédier à un niveau d'endettement trop élevé qui passe en priorité par une réduction des coûts. Mais pour ce faire il faut repenser la structure même de l'entreprise, rechercher les failles de l'organisation, afin de la rendre plus efficace, plus souple.

En effet, les services offerts aux entreprises et aux particuliers (dépannage, livraison, centres d'informations etc.) se font plus nombreux et sont accessibles en quasi permanence. Dès lors les entreprises doivent assumer de nouvelles tâches et des activités nouvelles. La plupart des structures organisationnelles ne sont pas assez flexibles, et ne permettent pas aux entreprises d'effectuer ces nouvelles prestations. Ainsi, il faut changer les manières d'opérer et la logique de fragmentation des entreprises prend tout son sens. Le recours à la sous-traitance augmente, le travail en réseau se développe, les créations de filiales fleurissent et les prestations à temps partiel sont de plus en plus répandues. Cette fragmentation s'observe également dans des secteurs très régulés comme la banque où le nombre d'agences franchisées croît, et les services en ligne sont externalisés.