Energie et formulation

Comme à l'habitude, le lecteur reconnaîtra ici une démarche pluridisciplinaire et transversale, dans laquelle Chimie, Physicochimie et Génie des Procédés sont étroitement associés pour concevoir et fabriquer des produits formulés aux propriétés d'usage hautement spécifiques.

Je tiens à remercier le Comité Scientifique présidé par Armand Lattes ainsi que l'ensemble du Comité d'Organisation que j'ai eu l'honneur d'animer, sans oublier, bien sûr, les établissements et organismes qui ont bien voulu parrainer cette manifestation (Société Française de Génie des Procédés, Groupe Français des Polymères) ou nous ont aidés par leurs subventions : l'Université Paul Sabatier, l'Institut Français du Pétrole, le Conseil Régional Midi-Pyrénées, l'Union des Industries Chimiques de Midi-Pyrénées, la Société Formulaction et l'Institut National Polytechnique de Toulouse.

RESUME : L'accumulation considérable de pétroles extra-lourds (ou bitumes) dans la plaine de l'Orénoque située à l'est du Venezuela est devenue à la fin des années 1970 une source attractive de matière première pour produire des bruts synthétiques. En ce qui concerne l'acheminement vers la mer de ces hydrocarbures de densité voisine de celle de l'eau et de viscosité considérable, le transport sous forme d'une émulsion H/E s'est avéré l'alternative la plus prometteuse, une fois résolu le problème paradoxal de formuler une émulsion à la fois stable durant le transport et facile à casser à la sortie de l'oléoduc.

Ainsi naquit I'Orimulsion TM, dont la combustion fut testée pour la première fois en 1985. La première formulation commercialisée à la fin des années 1980 comportait 70% de brut sous forme de gouttes d'environ 15 m dispersées dans de l'eau contenant des sels de magnésium, l'émulsion étant stabilisée par un surfactif nonionique polyéthoxylé.

Les recherches universitaires et industrielles qui suivirent dans les années 1990 réussirent à produire les connaissances fondamentales et le savoir-faire pratique nécessaire pour faire évoluer la formulation et la fabrication en fonction de contraintes croissantes, tant du point de vue de la performance comme combustible que des spécifications plus exigeantes du point de vue de la stabilité du produit et des risques de pollution. On retrace pas à pas comment l'adaptation de la formulation physico-chimique combinée à de nouveaux procédés d'émulsification en régime transitoire a permis l'évolution jusqu'à la quatrième génération d'OrimulsionTM, tout à la fois plus stable, moins coûteuse, plus calorifique et moins visqueuse.

Dans les deux cas, il s'agit de pétroles qui sont restés piégés pendant des millions d'années à faible profondeur et qui ont été biodégradés par des microorganismes. Les net iso-alcanes ont pratiquement disparu de ces pétroles qui contiennent surtout des polyaromatiques, avec un rapport hydrogène-carbone (H/C) voisin de l'unité. Ils sont très visqueux (YJ > 100 Pa.s) et donc difficiles à transporter jusqu'au lieu de traitement ou de conversion. Ils se trouvent dans des sables non consolidés de haute perméabilité, ce qui rend leur production relativement aisée. Toutefois, étant donné la différence de climat, ils sont produits par des techniques minières au Canada, et par des méthodes conventionnelles d'extraction des bruts lourds (injection de vapeur ou de diluant) au Venezuela.