s c i e n c e s & h i s t o i r e
James Lequeux
dévoilé
James Lequeux
17, avenue du Hoggar
91944 Les Ulis Cedex A, France
ISBN : 2-86883-792-1
représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par
les articles 425 et suivants du code pénal.
© EDP Sciences 2005
Sommaire
Sommaire
Avant-propos
1950-1970, nouveaux domaines, nouveaux objets
1980-1990, une période de transition
Après 1990 : la course au gigantisme
I. Du système solaire à la Galaxie
II. Astronomie extragalactique et cosmologie
Références
Sigles
Glossaire
Avant-propos
toujours vivants, ou vis-à-vis de la complexité croissante de la science ?
Le livre suit un ordre chronologique. Le premier chapitre couvre les
années 1910 à 1950, et le suivant une période de vingt années, ce qui
lement que les trois chapitres suivants, qui insistent sur les techniques
quelque peu arides comme la photométrie, malgré son importance pra-
tique pour les astronomesa.
stellaire, voir Tassoul J.-L., Tassoul M. (2004) A concise history of solar and stellar
physics, Princeton University Press.
Je me suis efforcé de ne pas entrer dans trop de détails techniques, mais
des références aux articles de recherche originaux, qui permettront aux
évidemment pas été possible de citer tous les articles importants, ni
même le nom de tous les collègues qui me paraissent avoir contribué
Je tiens à remercier mon épouse Geneviève, Claudine Laurent et
Charles Ryter pour leur relecture attentive de cet ouvrage, et pour leurs
commentaires et critiques particulièrement constructifs.
Chapitre 1
1910-1950, les débuts
Physique et astronomie,
étaient rudimentaires au début du XXe siècle. La différence entre ce que
des particules élémentaires fussent encore des plus primitives. Mais en
presque restait à faire.
et la mécanique céleste. La théorie des mouvements des planètes et des
satellites avait acquis un degré de perfection tout à fait remarquable,
suffit de citer les noms de Joseph-Louis de Lagrange, Pierre-Simon de
Laplace, Urbain Le Verrier, Charles Delaunay, Félix Tisserand et plus
sédait bien quelques idées qualitatives sur la nature et la composition
de polarisation de sa lumière, que la surface du Soleil et de certaines
étoiles était gazeuse et non solide ou liquide. Cette conclusion fut
du Soleil sur les daguerréotypes pris par Hippolyte Fizeau et Léon Fou-
1860, les Allemands Robert Bunsen et Gustav Kirchhoff avaient
reconnu dans le spectre du Soleil les raies caractéristiques de plusieurs
éléments chimiques : le fer, le calcium, le magnésium, le nickel et le
Figure 1.1. Daguerréotype du
Soleil pris par Fizeau et Foucault
célestes. On y voit des taches et
du Soleil, qui a permis de
confirmer la nature gazeuse de
solaire (Fig. 1.2) étaient à peine plus exactes que du temps du Père
Athanasius Kircher, jésuite qui avait fait les premières observations sys-
tématiques des taches du Soleil vers 1635. En 1900, on ignorait tout de
atteignait au délire, étayée par des observations fantaisistes comme
celle des fameux « canaux » de Mars, qui étaient supposés avoir été
construits par des êtres vivants. La célèbre Astronomie populaire de
Camille Flammarion, et ses autres ouvrages, notamment La Planète
gnages poétiques et farfelus. Voici un extrait de ce dernier livre (p. 588) :
« Les variations considérables observées en ce réseau aquatique [sic !] sont
énergie volatile. [...] Tandis que nous observons tranquillement ces conti-
nents et ces mers [...], tandis que nous nous demandons sur lequel de ces
Figure 1.2. Comment Arago
rivages il serait le plus agréable de vivre, peut-être y a-t-il là, en ce moment
concevait le Soleil4. Il avait montré
même, des orages, des volcans, des tempêtes, des tumultes sociaux et tous
que la partie visible du Soleil était
les combats de la lutte pour la vie. »
Cependant il pensait que les taches
solaires sombres, et la pénombre
de luminance intermédiaire qui les
entoure, étaient des zones plus
profondes du Soleil vues à travers
par plusieurs sondes spatiales, qui sont destinés à être déchiffrés par
forcément gazeuses.
emportées par les sondes VIKING dans le but de détecter des traces de
ces mythes ?
guère plus avancée. Cependant les astronomes du XIXe siècle avaient
blement de nature non stellaire, qui forme certaines des « nébuleuses »
le terme de nébuleuse). En 1864, Sir William Huggins reconnaissait
semblables à celles qui sont produites en laboratoire par un gaz dilué
y être observées séparément.
Encadré 1.1. Les nébuleuses
Au XVIIIe siècle, les chercheurs de comètes étaient gênés par la
breuses comètes, a publié en 1771 le premier catalogue de « nébu-
leuses », catalogue dont la nomenclature est toujours utilisée. Ce
catalogue a été considérablement enrichi au XIXe siècle sous la forme
du New General Catalogue (NGC), qui répertorie près de 8 000 nébu-
leuses. Ces catalogues contiennent plusieurs catégories de nébu-
Figure 1.3. La galaxie des Chiens
de Chasse M 51. La structure
observation détaillée, notamment spectroscopique. On y trouve :
spirale exceptionnellement
marquée de cette galaxie est
M 51 de Messier ou NGC 5194-5195 du New General Catalogue (deux
gravitationnelle du compagnon
numéros car elle est double) ; leur spectre peut comporter des raies
bras. Cette photographie a été
obtenue avec une caméra CCD à
ment, ou les deux à la fois ;
grand champ au foyer du
télescope CFH.
- des nébuleuses planétaires (Fig. 1.4), ainsi nommées car on peut
de poussières expulsés par les étoiles de masse moyenne à la fin de
leur vie, le gaz étant ionisé par le rayonnement ultraviolet émis par
- des restes de supernovae, formés comme les nébuleuses plané-
taires de gaz et de poussières expulsés par les étoiles, cette fois de
grande masse, à la fin de leur vie ; on y trouve également des par-
ticules de haute énergie ; le seul objet de ce type dans le catalogue
de Messier est la Nébuleuse du Crabe M 1 (voir Fig. 2.17) ; le
Figure 1.4. La nébuleuse planétaire
rentes de celles des nébuleuses planétaires ;
NGC 6369, observée avec le
- des nébuleuses gazeuses, également appelées régions HII et autre-
télescope spatial Hubble. Le gaz
fois nébuleuses galactiques (Fig. 1.5), formées de gaz interstellaire
éjecté par une étoile entoure le
reste de cette étoile, visible au
sein ; leur spectre (voir Fig. 1.11) est assez semblable à celui des
nébuleuses planétaires, mais leur morphologie est généralement
ultraviolet intense de ce reste très
chaud ionise le gaz et le rend
beaucoup plus irrégulière ;
lumineux. Vues dans une petite
- des nébuleuses par réflexion (Fig. 1.6), dont la lumière est celle
lunette avec une faible résolution
angulaire, les nébuleuses
planétaires ressemblent au disque
Il faudrait y ajouter les nébuleuses obscures (Fig. 1.6 et 1.7), aussi
appelées nuages sombres, globules, etc., qui sont des concentrations de
matière interstellaire dont les poussières absorbent la lumière des
La base de données SIMBAD du Centre de données astrono-
miques de Strasbourg (CDS : http://simbad.u-strasbg.fr) permet de
et avait conclu que celle-ci était un système aplati auquel appartiennent
toutes les étoiles (Fig. 1.8). Analyser la structure de ce système et
observée avec le télescope spatial
estimer ses dimensions était une autre affaire. Le XIXe siècle a accumulé
nébuleuses gazeuses ou régions
1908 que le Hollandais Jacobus Kapteyn put obtenir une idée assez cor-
HII, faites de gaz ionisé par des
étoiles chaudes (ici les quatre
étoiles formant le Trapèze, dont
deux sont visibles au centre). La
régnait encore sur les estimations de son diamètre et sur la localisation
barre en bas à gauche est à
selon laquelle le Soleil pourrait occuper une position plutôt centrale a
nuage sombre.
alors dominé ; elle devait se révéler fausse.
Figure 1.7. Les nuages sombres
comme celui-ci, B 68, sont des
objets caractéristiques de la
matière interstellaire. Leur opacité
est due aux poussières
Figure 1.6. La région de la Tête de cheval. Un nuage sombre, dont la Tête de
cheval est une protubérance qui se découpe sur un fond lumineux, occupe
contiennent est principalement
toute la partie inférieure de la figure. En bas à gauche, la nébuleuse brillante
sous forme moléculaire. Ce sont
est la nébuleuse par réflexion NGC 2023, qui résulte de la diffusion par les
Photographie obtenue avec le VLT
photographie a été obtenue avec une caméra CCD à grand champ au foyer
du télescope CFH.
Figure 1.8. Herschel fut parmi les
premiers à tenter de se faire une
idée de la forme de la Galaxie, à
résultat présenté dans cette figure
est bien différent de la réalité. En
particulier, il plaçait le Soleil
presque au centre du système.
Kapteyn en 19227. Sa conception
elle était seulement devenue plus
précise. Il supposait le Soleil S
proche du centre de la Galaxie. Les
du Soleil étant prise comme unité.
bien ressembler si elles existaient vraiment. Certes des esprits hardis
cependant personne ne parvenait vraiment à concevoir que les nébu-
découvert dans certains cas la structure spirale grâce à son télescope
tement anthropocentrique, et ne différait en essence de celle des
Comte en 1842 selon laquelle une telle démarche serait à jamais impos-
demment ceux pour lesquels existaient les outils physiques et mathé-
tronomie progresser parallèlement à la physique, avec laquelle elle a
aussi de ceux des techniques.
mique et la physique nucléaire, et enfin comment, grâce au dévelop-
Après 1910 : astronomie et physique atomique
Dès la fin du XIXe siècle, on connaissait bien le spectre du Soleil et de
férent (Fig. 1.10). On comprenait aussi que leur surface était plus ou
Figure 1.10. Quatre spectres
stellaires typiques, dessinés dans
les années 1870 par le Père Angelo
Les raies principales sont repérées
par des lettres, mais très peu
étaient alors identifiées ; les deux
spectres du bas sont dominés par
des bandes moléculaires. Du haut
en bas : étoile de type solaire
ne savait pas encore alors que les
étoiles différaient surtout par leur
température de surface. Comparer
à la figure 1.12.
unique, idée qui devait se révéler fausse et assez paralysante.
Les spectrographes, ainsi que les techniques photographiques
nécessaires pour enregistrer les spectres, étaient déjà remarquable-
retrouver dans un tel imbroglio. On avait cependant remarqué au
souvent des relations numériques simples ; la première, concernant les
Johann Jakob Balmer11. Par ailleurs, les raies sont souvent groupées en
paires ou doublets (par exemple les fameuses raies D du sodium), en tri-
Mais on savait trop peu de choses sur la structure des atomes pour
relier ces groupements spectraux aux propriétés atomiques.
Le modèle atomique du Danois Niels Bohr, élaboré en 1913, devait
fournir la clé permettant de déchiffrer le message codé contenu dans
auparavant par le Néo-Zélandais Ernest Rutherford sur la base de ses
possible de réduire de nombreuses raies spectrales à quelques niveaux